Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. van Hall, en reconnaissant le droit de visite des puissances belligérantes en pleine mer, exprimait du reste la conviction que le commerce hollandais ne s’exposerait pas à transporter des objets de contrebande de guerre. Peut-être au fond de cet incident y avait-il autre chose qu’on n’a point dit. Le gouvernement russe, à ce qu’il paraît, cherche à négocier un emprunt sur diverses places de l’Europe. Il s’est adressé particulièrement à Amstersdam. Or l’Angleterre et la France ne peuvent évidemment accepter que l’emprunt russe soit négocié à Amsterdam, par la raison très simple que la Hollande est un état neutre qui ne peut intervenir en rien pour fournir des ressources à une puissance belligérante. Il se peut que des représentations aient été adressées à ce sujet à La Haye. De là une certaine émotion qui a pu se manifester à l’occasion de la présence de la Favorite. Qu’en résulte-t-il, si ce n’est simplement la nécessité pour la Hollande de se borner à une stricte neutralité ?

Le cabinet hollandais, en résumé, avait subi assez heureusement l’épreuve de ces derniers débats parlementaires, et semblait se trouver à l’abri de vicissitudes nouvelles, lorsque sont venues les élections du 13 juin. Le fait caractéristique de ces élections, c’est le succès marqué du parti libéral, qui s’est accru de cinq ou six voix. Ce succès, il est vrai, a été obtenu aux dépens du parti protestant ; mais comme ce dernier parti votait souvent avec le ministère, le résultat électoral ne laisse point d’avoir son côté menaçant pour le cabinet, qui peut se trouver à la merci d’une coalition entre les diverses oppositions de la fraction catholique, des libéraux et même du parti anti-révolutionnaire ou protestant. Une autre particularité à signaler dans ces élections, c’est que le chef du parti anti-révolutionnaire, M. Groen van Prinsterer, a eu en Hollande le sort de M. Ch. Rogier en Belgique : il n’a point été réélu, et il a précisément échoué en concurrence avec M. van Zuylen van Nyevelt, ancien ministre des affaires étrangères du cabinet Thorbecke. Les élections qui viennent d’avoir lieu ont eu pour résultat, dans leur ensemble, la nomination de trente et un députés ministériels, de dix-huit libéraux avancés ou partisans de M. Thorbecke, de quatorze députés catholiques, et de cinq seulement du parti anti-révolutionnaire. Pour le moment, la situation politique de la Hollande et du cabinet de La Haye n’en est point changée sans doute ; c’est dans la session prochaine, au mois de septembre, que les partis se dessineront en mesurant leurs forces, et que le ministère, à son tour, pourra se rendre un compte exact de la situation nouvelle qui vient de lui être faite par les élections.

Si l’on veut observer sur le vif un exemple d’anarchie politique et sociale, c’est en Amérique qu’il faut aller, dans ces malheureuses républiques, autrefois espagnoles. On n’a qu’à choisir entre les divers pays : partout il y a un levain de révolution ou de guerre civile ; mais la Nouvelle-Grenade offre certainement à un degré spécial le spectacle de cette anarchie, qui vient encore une fois d’éclater de la manière la plus bizarre à Bogota. La république grenadine, peut-être s’en souvient-on, est depuis quelques années livrée à la domination du parti démocratique. C’est ce parti qui a porté au pouvoir le président actuel, le général Obando ; c’est à lui que la Nouvelle-Grenade doit une constitution ultra-libérale, qui établit le suffrage universel, met au scrutin toutes les fonctions publiques, et dépouille à peu près de toute autorité le