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première fois dans ces contrées sauvages, et depuis lors il n’a pas cessé d’y retentir. Les nations que les Finno-Huns ont déposées en Europe, et qui se sont assimilées à nous par la culture des mœurs et par la religion, resteront-elles toujours étrangères au mouvement qui travaille leurs frères ? C’est ce que l’avenir nous apprendra.

L’histoire des Huns est d’ailleurs plus intimement liée qu’on ne le croit généralement à l’histoire de France. Ces essaims destructeurs, à qui rien ne résistait, sont venus par deux fois se briser contre nos armées. La même épée qui, dans la main d’Aëtius, fit reculer Attila sous les murs de Châlons et fixa le terme de ses victoires, l’épée gallo-franke, reprise par Charlemagne, détruisit sur les bords de la Theïss le second empire hunnique, l’empire des Avars, un moment aussi redoutable que le premier. Ce lien des deux histoires, glorieux pour la nôtre, — la coïncidence des questions qui agitent l’Europe de nos jours et intéressent la civilisation moderne avec celles qui l’agitaient il y a mille ou quinze cents ans et mirent en péril la civilisation romaine, — enfin le besoin scientifique d’éclaircir, si je le pouvais, un fait ethnographique important et mal connu, toutes ces raisons m’ont engagé à compléter par ces recherches le travail que j’ai publié sur Attila[1].


I.

La terrible volonté qui, du vivant d’Attila, n’avait jamais connu d’obstacle, et qui pendant un quart de siècle avait fait la loi du monde, ne fut pas obéie un seul jour dès que le conquérant eut cessé de régner. La révolte commença par sa famille. Dans un esprit de sage prévoyance, et afin de préserver l’unité d’un empire qu’il avait fondé au prix de tant de fatigues et de crimes, Attila avait ordonné que son fils aîné Ellac lui succéderait seul avec la plénitude de sa puissance ; mais il avait compté sans ce peuple[2] de fils qu’il laissait après lui : peuple médiocre, ambitieux et jaloux. Refusant de reconnaître la suprématie de leur frère aîné, ils exigèrent le partage de l’empire entre eux tous, à parts égales. Il fallut tout diviser, tout morceler, territoire, populations, troupeaux. On fit des lots de nations, et « d’illustres rois, dit l’historien goth Jornandès avec l’accent de l’indignation, des rois pleins de bravoure et de gloire furent tirés au sort avec leurs sujets[3]. » Les Asiatiques, pour qui de pareils

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes du 1er  et du 15 février, du 1er  mars, du 1er  avril, du 15 novembre et du 1er  décembre 1852.
  2. « Quorum numerus pæne populus fuit. » (Jornaud. R. Get.)
  3. « Ut ad instar familiæ bellicosi reges, cum populis, mitterentur in sortem. » (R. Gel. 16.)