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plaines basses et marécageuses. À quelques milles seulement du Pont-Euxin, il se détourne brusquement dans la direction du sud au nord, puis il reprend vers son embouchure son cours primitif d’occident en orient, laissant une étroite presqu’île entre son lit et la mer. La chaîne de l’Hémus, qui ferme la vallée au midi, est coupée par sept passages dont la plupart communiquent au Danube par de petites vallées perpendiculaires, et le plus occidental par le cours large et développé de l’Isker. À partir des sommets de l’Hémus, le pays descend graduellement jusqu’au grand fleuve qui en baigne les dernières terrasses. Par-delà ce fleuve et le long de la Mer-Noire s’étendent tantôt des plaines fertiles et tantôt des steppes qui se succèdent par intervalles pour ne s’arrêter qu’au pied des chaînes de l’Oural et du Caucase.

Ce pays fut peuplé primitivement par des nations de race illyrienne ou thrace auxquelles vinrent se superposer des essaims nombreux émigrés de la Gaule. Les nations gauloises habitèrent à l’ouest les deux rives du Danube et les versans des Alpes Noriques et Pannoniennes. Les dénominations de Bohème et de Bavière[1] conservent encore aujourd’hui la trace d’une ancienne occupation de ces deux contrées par des Celtes-Boïens, et les Carnes, qui donnèrent leur nom au groupe des Alpes Carniques, les Taurisques et les Scordisques, établis plus à l’est autour du mont Scordus, se rendirent fameux dans l’histoire grecque et romaine par cet esprit d’aventures qui distingua toujours la race celtique. Ce furent ces Gaulois danubiens qui, réunis aux Tectosages de Toulouse, pillèrent le temple de Delphes, conquirent l’Asie-Mineure et fondèrent en Phrygie le royaume fameux des Gallo-Grecs ; ce furent eux aussi qui répondirent un jour à Alexandre qu’ils ne craignaient rien que la chute du ciel. Les Pannoniens, les Dardaniens et les Mésiens, nations plus sauvages encore que les Gaulois, peuplaient seuls la partie orientale entre le Danube et l’Hémus. Le progrès des Germains à l’ouest et les conquêtes de Rome au midi resserrèrent peu à peu les domaines de ces races, qui finirent par disparaître dans l’unité romaine. Vers la fin du premier siècle de notre ère, un empire barbare fondé dans la grande plaine des Carpathes, l’empire des Daces, voulut disputer à celui des Romains la possession du Danube ; il tomba sous les armes de Trajan, et la Dacie fut réduite en province. On vit alors accourir de tous les coins du monde romain, de l’Italie surtout, un peuple de colons industrieux et entreprenans qui, l’épée d’une main et la pioche de l’autre, défrichèrent et soumirent, outre la Dacie, les immenses plaines situées entre les Carpathes et la Mer-Noire, et servirent d’avant-poste contre les

  1. Bohème, Boïohœmum, demeure des Boïes ; Bavarois, Baïobarii.