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le Hun ne manque jamais son but : malheur à celui qu’il a visé, car ses flèches portent la mort ! »

Les barbares, prompts et mobiles comme des enfans, oublient aisément le mal qu’ils ont fait, et se flattent non moins aisément que l’offensé en a perdu le souvenir, sitôt qu’un intérêt nouveau ou quelques nouvelles préoccupations leur rendent cet oubli désirable : c’est ce que nous voyons arriver chez les fils d’ Attila. L’année 467 nous les montre réunis en une sorte de congrès de famille et délibérant sur une faveur qu’ils veulent obtenir du gouvernement romain, comme si l’année précédente ils n’avaient pas ravagé impitoyablement ses provinces : ce qu’ils sollicitent maintenant, c’est le droit de commercer librement avec l’empire, la détermination de certains marchés dans les villes romaines de la frontière, où les Huns puissent apporter et vendre leurs marchandises et se procurer en retour des marchandises romaines. Ils décident qu’une ambassade solennelle sera en leur nom collectif envoyée à Constantinople, afin de porter leur demande à la connaissance de l’empereur. La législation romaine faisait du droit de trafic entre l’étranger et le Romain, jus commercii, un privilège qui ne s’octroyait qu’à bon escient en faveur de voisins dont l’amitié semblait éprouvée, car il n’était pas rare que les barbares cherchassent à abuser de ce droit. Tantôt, à la veille d’une guerre qu’ils méditaient contre l’empire, ils venaient s’approvisionner de vivres et d’armes dans les marchés romains ; tantôt, se donnant rendez-vous en grand nombre dans les places de commerce, qui étaient ordinairement aussi des places de guerre, ils faisaient main-basse sur les habitans, saccageaient la ville ou s’en emparaient par trahison. Attila avait accompli ou tenté plusieurs coups de ce genre qui avaient rendu avec juste raison le gouvernement romain défiant et difficile, et l’humeur batailleuse de quelques-uns de ses fils, ainsi que l’agitation qu’ils entretenaient dans leurs tribus, n’était guère propre à faire lever l’interdiction ; aussi l’ambassade ne rapporta-t-elle de Constantinople qu’un refus exprimé en termes très nets.

Ce refus mît les princes huns hors d’eux-mêmes. Ils se réunirent de nouveau pour exhaler leur colère, et dans ce conseil, qui paraît avoir été fort tumultueux, les résolutions les plus violentes furent agitées. Il y eut un parti de la guerre qui prétendait qu’une pareille injure ne pouvait être lavée que par des flots de sang dans les murs même de Constantinople, et Denghizikh se trouva naturellement l’organe obstiné de ce parti ; mais il rencontra en face de lui Hernakh, qui se fit avec non moins d’obstination l’avocat des résolutions pacifiques. Entre autres argumens en faveur de la paix, il fit valoir celui-ci, « que les Acatzirea, les Saragoures et les autres tribus hunniques