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les boulets des canons autrichiens de Peschiera n’étaient pas des boulets sérieux, — et leur ressentiment s’étendait à ceux qui leur avaient fait la même guerre dans le Piémont. Les ministres Casati et Gioberti pouvaient à leur arrivée au camp constater cette exaspération mêlée de découragement. L’un des coryphées de la démocratie piémontaise, M. Brofferio, en éprouvait les effets par la réception menaçante qu’il trouvait à Vigevano, où il était accouru pour porter à l’armée et au roi ce merveilleux cordial d’une adresse patriotique d’un club de Turin. Quant à Charles-Albert, après avoir été le premier de ses soldats dans la campagne, il cherchait à arrêter la désorganisation de son armée. Rentré sur le sol piémontais, il ne pouvait penser sans amertume à cette succession de désastres, à tous ces coups qui étaient venus lui rendre la victoire impossible. Il avait bien sans doute quelque raison de dire : « L’Italie n’a pas montré tout ce qu’elle pouvait. » pourtant il ajoutait encore le 10 août à Vigevano, dans une dernière proclamation aux peuples de la Haute-Italie : « La cause de l’indépendance italienne n’est pas perdue ! » La veille, le 9 août, le général Salasco avait signé un armistice de six semaines qui fixait les positions respectives des armées de l’Autriche et du Piémont sur les anciennes bases de possession politique. Les frontières des états sardes et de la Lombardie servaient de limite entre les deux armer Les Piémontais devaient abandonner les duchés de Parme et de Modène, les places de Peschiera, Rocca d’Anfo, Osopo, le port et le territoire de Venise ; l’escadre sarde, qui bloquait Trieste, devait quitter l’Adriatique.

L’armistice Salasco n’était point glorieux : de cette guerre ouverte au milieu de tant d’enthousiasme il ne restait plus rien, mais il avait le caractère évident de la nécessité. « Les insurrections sont faites par les peuples, dit l’auteur de la Guerre de l’indépendance en 1848, les guerres se font avec des soldats, et ceci était une guerre. Puisque les peuples n’avaient pas bougé ni ne donnaient signe de mouvement et que les soldats étaient en désordre, il ne restait plus d’autre moyen de salut qu’une suspension d’armes. » Tel qu’il s’offrait, l’armistice Salasco pouvait être pour l’Italie un moyen de se recueillir, de chercher à reconstituer une force de résistance et d’action, et c’était son avantage pour le Piémont. Il pouvait aussi, en faisant cesser un moment la guerre, achever d’user cette exaltation italienne sans que les armes fussent de nouveau nécessaires, et c’était son avantage pour l’Autriche. Pour tous, c’était une trêve de six semaines qui laissait le temps de se reconnaître, de se sonder, de recourir à des négociations de paix ou de se préparer à des luttes nouvelles.