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sang pour le salut de tous, et qui se groupent autour du roi comme la noblesse au temps de la féodalité. Les kchattryas ou guerriers, appelés aussi fils de roi et râdjas, apparaissent donc comme le bras de la nation jeune et puissante dont le brahmane est la tête. Aussi utiles à la société que les kckattryas, mais appliqués à des professions qui exigent moins de dévouement, moins d’élévation d’esprit et de caractère par conséquent, occupés de travaux dont ils recueillent eux-mêmes l’avantage et le profit, les vaïcyas, marchands et agriculteurs, doivent obéir aux deux premières castes, c’est-à-dire reconnaître pour maîtres le brahmane qui enseigne les lois divines et humaines et le roi qui les fait exécuter. Enfin tout au bas de l’échelle se placent les serviteurs, ceux qui n’ont à remplir que des rôles subalternes dans lesquels il n’y a point d’énergie particulière à déployer. Il arrive ainsi que, dans cette nation de pasteurs dont les tendances se sont modifiées, la garde des troupeaux reste confiée en définitive à la caste servile des çoûdras, lesquels ne forment plus qu’un appendice insignifiant de la société indienne, une classe méprisée, soumise à tous les devoirs et privée de tous les droits.

Pour s’expliquer l’état d’infériorité du vaïcya et l’abaissement du çoûdra, il faut tenir compte de la conquête, de l’occupation à main armée de pays habités déjà par des peuples moins civilisés et moins intelligens. Les Aryens que nous voyons dans le Rig-Véda invoquer les dieux contre des ennemis pervers, les Aryens qui s’avancent d’abord avec circonspection, avec timidité, dans des régions inconnues, ont fini par triompher. Il s’agit pour eux de régler leurs rapports avec les peuples conquis, d’empêcher la pure race des conquérans de se fondre dans la masse des étrangers qui les entourent, de s’absorber dans l’élément indigène. De là le classement par castes d’individus de races diverses réunies en une nation considérable. L’autorité religieuse et militaire, le pouvoir spirituel et la puissance temporelle se partagent entre les deux premières castes, qui sont sœurs et représentent dans le principe l’élément aryen. La troisième caste, celle des vaïcyas, admet dans ses rangs des familles de race aryenne déjà mêlées aux aborigènes et ceux de ces aborigènes eux-mêmes qui ont adopté les croyances védiques : c’est donc une classe mixte, comme celle des métis et des mulâtres dans certains pays du Nouveau-Monde. Admis à jouir des droits civils, puisqu’ils reçoivent à leur naissance le cordon d’investiture, les vaïcyas forment dans l’organisation brahmanique une espèce de tiers-état qui n’est rien ou qui est tout, selon le point de vue sous lequel on l’envisage. Quant aux çoûdras, ils sont à vrai dire des serfs, des manans dans le sens latin du mot, des vaincus réduits à la dure nécessité de servir les vainqueurs. Leur condition peut se comparer à celle des Indiens de