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m’accuser d’une pareille répugnance, et mon plus grand bonheur quand j’ai quitté la France, c’est d’y rentrer. Mais si ce n’est guère un plaisir, ne serait-ce pas parfois un devoir pour nous d’aller de temps à autre prendre hors de notre pays, pour les y rapporter, les y propager, quelques-unes de ces idées nouvelles qui peuvent naître chez des races autres que la nôtre, ou quelqu’une de ces institutions récentes qui ont pour but d’adoucir le sort de nos semblables et de nous faire aimer d’eux en les rendant meilleurs et plus instruits ? Je crois qu’on voyagerait davantage, si, moins égoïstes, plus désireux d’accroître le bien-être dans tous les rangs de la société, nous réfléchissions et nous nous intéressions davantage aux nombreuses et généreuses expériences que provoque aujourd’hui dans tant de pays autour de nous le désir d’améliorer la condition de l’humanité. De ces belles et louables tentatives, il s’en fait en France, grâce à Dieu ; mais il s’en fait aussi beaucoup hors de France, sous l’influence de mœurs et d’institutions différentes des nôtres. Je crois que nous ne nous en préoccupons pas autant que nous le devrions ; il faudrait aller les examiner de près, en observer l’influence sur le bonheur et les progrès des peuples, et en rapporter en France ce qui serait applicable à notre société.

Je faisais dernièrement ces réflexions en lisant la belle phrase prononcée il y a quelques jours dans une réunion publique par M. Laing, membre du parlement, président du comité de la société du palais de cristal de Sydenham  : « Il est évident que pour atteindre le but qu’elle a en vue, la société doit associer à sa conception la pensée du développement de l’éducation et des progrès de l’instruction dans le peuple anglais. » C’est en effet là un des buts les plus intéressans que s’est proposé cette association appelée la Compagnie du palais de Sydenham, qui en deux ans vient de dépenser 25 ou 30 millions pour fonder cet immense établissement, qui profitera à l’instruction tout autant qu’à l’agrément du peuple anglais. Puisque nous n’avons rien de pareil chez nous, allons voir de près cette curieuse expérience ; de semblables efforts valent bien la peine que les hommes sérieux et qui aiment leur pays s’en préoccupent ; c’est là, ce me semble, un véritable devoir, et d’autant plus facile à accomplir, qu’à côté du devoir se trouvent dans ce voyage, vous pouvez m’en croire, un intérêt et un plaisir extrêmes.

La première idée du palais de cristal de Sydenham a été conçue au sein du comité de la Société des arts, des manufactures et du commerce, qui, ces jours derniers, a célébré le centième anniversaire de sa fondation dans un banquet donné au palais même. C’était aussi cette société qui la première avait émis l’idée de l’exposition universelle de 1851. Si on jette en arrière un regard attentif, on verra que presque toutes les grandes choses de ce siècle ont été conçues et