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obtenir du gouvernement une augmentation de subsides. Le brigand Scalzogiani et sa bande licenciée se mirent à parcourir, sans être inquiétés, le district de Radovitsi ; ils furent rejoints par d’autres brigands et par des habitans des villages voisins, poussés au désespoir par les contributions extraordinaires levées au nom du gouvernement turc pour subvenir à la guerre. La bande ainsi grossie chassa les collecteurs de taxes, repoussa un détachement du dervend, et à la fin de janvier elle s’était établie dans la forte position de Peta, d’où elle menaçait la ville d’Arta. Ce fut le noyau de l’insurrection. Les premiers Grecs qui se réunirent à la petite armée du brigand Scalzogiani furent Karaiskakis et le fils du général Théodore Grivas, Demetrio Grivas. Karaiskakis, jeune officier de l’armée grecque, n’avait aucune importance par lui-même ; mais il portait un des plus beaux noms de la Grèce. Il était le fils du général Karaiskakis, mort sur le champ de bataille dans les plaines d’Athènes, après avoir organisé la meilleure armée que la Grèce ait Elle pendant la guerre de l’indépendance et avoir remporté de nombreux avantages sur les Turcs. Ce nom, qui n’avait pas été mêlé aux intrigues qui ont suivi la révolution, avait conservé tout son prestige. Spiridion Karaiskakis donna sa démission, entraîna avec lui une centaine de soldats, emporta 8,000 drachmes à la caisse militaire de son corps, alla rejoindre les bandes réunies devant Arta, et imprima à l’insurrection un caractère politique. On répandit en même temps une proclamation des insurgés, rédigée évidemment à Athènes et adressée bien plus à l’opinion européenne qu’à l’opinion grecque. Cette pièce anonyme faisait appel à tous les enfans du christianisme et à tous les amis de la liberté ; elle provoquait les Turcs eux-mêmes à la révolte : « Nous ne combattons pas, leur disait-elle, pour venger les oppressions que nos ancêtres ont subies de la part de vos pères ; nous combattans pour la liberté et l’égalité. Unissez-vous à nous, si vous ne voulez pas être privés de tout ce que vos frères ont perdu dans la Grèce libre. Unissez-vous à nous, et votre foi sera respectée, vos vies seront assurées, vos propriétés seront sauves. Unissez-vous à nous[1]. »

Le signal était donné, l’explosion à Athènes fut immédiate et universelle. Le travail des sectaires de la grande idée y éclata en démonstrations publiques qui parurent encouragées par le roi et par la reine. Le dimanche 5 février, on donnait au théâtre I Lombardi ; c’était l’anniversaire de l’arrivée du roi en Grèce, le théâtre était illuminé à cette occasion. Le roi et la reine assistaient à la représentation. La salle était comble. Les acteurs, au lieu de la croix rouge des croisés, parurent avec la croix bleue des Grecs, et cette substitution

  1. Consul Saunders to the earl of Clarendon. Corresp., no 60.