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ce spectacle horrible. Et quand enfin les slougui eurent achevé leur affreux repas, Fetoum, dont la vengeance était satisfaite, sans tenir compte du butin que ses serviteurs entassaient et des troupeaux épars qu’ils cherchaient à rassembler, remonta sur son mahari et donna le signal de la retraite. Quant au fils de Ben-Mansour, il fut épargné ; mais on l’abandonna sur place. Il y resta deux jours à pleurer avec la faim, la soif et le soleil, et le troisième il fut trouvé par des bergers et ramené à Ouergla, où il était encore en 1845. Ainsi les chiens des Touareg ont mangé le cœur du chef des Chamba, et l’on conçoit qu’entre eux ce soit à jamais le sujet d’une guerre sans trêve ni merci.

Je n’insisterai pas davantage sur ces mœurs d’une si sauvage énergie. Comme contraste, j’aime mieux aborder quelques tableaux de famille, à commencer par le respect dont l’autorité paternelle est entourée chez les Arabes. Tant que l’enfant est en bas-âge, la tente lui appartient, son père est en quelque sorte le premier de ses esclaves, ses jeux sont les délices de la famille, ses caprices sont la vie et la gaieté du foyer ; mais aussitôt qu’il est devenu nubile, on lui enseigne la déférence, il ne peut plus parler devant son père ni assister aux mêmes réunions que lui. Ce respect absolu auquel il est tenu vis-à-vis du chef de sa famille, il le doit également à son frère aîné. Cependant, malgré leur sévérité aristocratique, les mœurs arabes n’atteignent pas à la sombre rigueur qu’avaient à Rome les mœurs patriciennes. Ainsi un père ne condamnerait son fils à mort que s’il avait déshonoré sa couche, dans tout autre cas il se bornerait à l’exclure de sa présence.

Nous avons esquissé rapidement et en larges traits le caractère de la noblesse arabe, essayons maintenant de reproduire dans quelques-uns de ses momens les plus solennels la vie même d’un noble.

Le jour où un enfant naît dans une grande tente, c’est une immense joie. Chacun vient trouver le père du nouveau-né, et lui dire : « Que ton fils soit heureux. » Tandis que les hommes se pressent autour du père, la mère aussi reçoit des visites. Les femmes de la tribu se rendent auprès d’elle. Hommes et, femmes ont les mains pleines de présens. Les dons sont proportionnés aux fortunes. Depuis les chameaux, les moutons et les vêtemens précieux jusqu’aux grains et aux dattes, tous les trésors du désert abondent sous la tente que Dieu vient de bénir. Celui qui reçoit tous ces témoignages d’affection et de respect est obligé d’exercer une large hospitalité. Quelquefois pendant vingt jours il nourrit et festoie tous ses visiteurs. Les fêtes ont dans le désert le caractère de grandeur inhérent à tout ce qui se passe sur ce solennel théâtre de la vie primitive. Aussitôt que l’enfant commence à se développer, on lui apprend à lire et à