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et trois nuits. Elles recommencent toutes les fois que le mari prend une nouvelle femme. La loi permet à un chef arabe d’avoir quatre femmes à la fois ; mais ce nombre ne suffit pas à contenter les désirs de ces natures mobiles et voluptueuses. C’est en vain que, par une coutume qui rappelle les mœurs bibliques, l’époux musulman peut associer des concubines à ses femmes légitimes : cette tolérance est insuffisante encore. Il faut que le divorce vienne au secours d’insatiables et incessans appétits. On cite tel chef arabe qui a eu douze ou quinze femmes légitimes. La paix, comme on peut se l’imaginer, est loin de régner dans des intérieurs où la loi souffre de pareils élémens de désordre. Quelquefois la tente est divisée en deux parties. Une chambre est exclusivement réservée pour les femmes, une autre appartient au mari ; celle-là reçoit à son tour chacune des femmes qu’il choisit pour la compagne de ses nuits. Cependant cette disposition est rare ; l’amour polygame, enfermé dans une seule pièce, est d’habitude obligé de se passer et du mystère et de la pudeur. Aussi arrive-t-il sans cesse que des jalousies terribles naissent secrètement, grandissent peu à peu et finissent par éclater. Souvent une femme aimée entre toutes ses compagnes est atteinte d’un mal mystérieux ; elle se flétrit, elle languit et meurt ; un poison préparé par la main d’une rivale est entré dans ses veines. C’est le côté sinistre des mœurs orientales. Le crime s’y accouple à la volupté.

Un fait prouve le rôle immense que jouent les femmes dans l’existence des musulmans. Dites à un Arabe qu’il est un lâche, il supportera cette injure. S’il est lâche, c’est que Dieu l’a voulu. Traitez-le de voleur, il sourira ; le vol à ses yeux est quelquefois une action méritoire. Appelez-le tahan, mot que le langage de Molière pourrait seul traduire avec une concise énergie, et vous allumerez dans son âme une colère qui ne pourra s’éteindre que dans le sang. Le seul homme auquel un Arabe ne doit jamais pardonner, c’est celui qui a donné le droit de lui jeter un jour au visage cette épithète malencontreuse.

Aussitôt qu’il est marié, le noble du désert entre dans une vie nouvelle, dans une sphère d’action personnelle. Il est émancipé, non point absolument toutefois s’il n’est pas chef de tente, s’il n’est pas maître de son bien, si son père vit encore. Cependant, même dans ces conditions, il comptera dorénavant dans sa tribu comme homme de bras et de conseil, et il achèvera par expérimentation cette éducation de grand seigneur, jusqu’alors ébauchée par l’habitude des bons exemples et des bons avis. Il a déjà ses cliens, ses chevaux, ses slougui (lévriers), ses faucons (oiseaux de race), tout son équipage de guerre et de chasse.

Ses client sont les jeunes gens de son âge, les courtisans de son