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favorite du défunt ; au kerbous de la selle pendent un long fusil, un yatagan, des pistolets, des éperons. Un peu plus loin, les cavaliers jeunes et vieux, muets de douleur, sont assis en cercle sur le sable, leurs haïks relevés jusqu’au-dessous des yeux, leurs capuchons et bernons rabattus sur le front.

Les neddabat chantent sur un rhythme lugubre les lamentations suivantes :


Où est-il ?
Son cheval est venu, lui n’est pas venu ;
Son sabre est venu, lui n’est pas venu ;
Ses éperons sont là, lui n’est pas là ;
Où est-il ?

On dit qu’il est mort dans son jour frappé droit au cœur.
C’était une mer de kouskuessou,
C’était une mer de poudre ;
Le seigneur des hommes,
Le seigneur des cavaliers.
Le défenseur des chameaux,
Le protecteur des étrangers.
On dit qu’il est mort dans son jour.

LA FEMME DU DÉFUNT.


Ma tente est vide,
Je suis refroidie ;
Ouest mon lion ?
Où trouver son pareil ?
Il ne frappait qu’avec le sabre,
C’était un homme des jours noirs :
La peur est dans le goum[1].

LES NEDDABAT.


Il n’est pas mort, il n’est pas mort !
Il t’a laissé ses frères.
Il t’a laissé ses enfans :
Ils seront les remparts de tes épaules.
Il n’est pas mort, son âme est chez Dieu ;
Nous le reverrons un jour.


Après ces lamentations funèbres, les adjaaïze (vieilles femmes) s’emparent du cadavre, le lavent soigneusement, lui mettent du camphre et du coton dans toutes les ouvertures naturelles, et l’enveloppent dans un blanc linceul arrosé avec de l’eau du puits de zem-zem et parfumé de benjoin. Quatre parens du mort soulèvent alors par les quatre coins le tapis sur lequel il est étendu, et prennent le chemin du cimetière, précédés par l’iman, les marabouts, les

  1. Goum, réunion de cavaliers.