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conséquences du désastre. Les causes de ce naufrage partiel sont aujourd’hui bien connues et témoignent non pas d’un défaut de prévoyance et de sagesse dans le plan, mais d’une imprévoyance et d’une inhabileté déplorables dans l’exécution, à dater de la restauration passagère de Shâh-Shoudjah. Quel a été le résultat après tout ? Forcée d’abandonner Kaboul et ses dépendances immédiates, l’Angleterre ne devait pas et n’a pas voulu renoncer à la domination du bassin de l’Indus. Restée maîtresse du Sindh et de la riche province de Peschavăr, elle a été entraînée à l’annexion définitive du Moultân et du Păndjâb aux domaines immédiats de la compagnie, et cette annexion, accomplie après deux luttes sanglantes, laisse la puissance anglaise souveraine au nord du Sătledje et maîtresse absolue du cours de l’Indus et de ses affluens depuis huit ans. L’intention du gouvernement suprême paraît être d’ériger le Păndjâb et les provinces voisines en une présidence nouvelle sous le nom de présidence de l’Indus. Ce serait, dans ce cas, la quatrième présidence, celle d’Agra ayant été réduite et maintenue jusqu’à ce jour au rang de « gouvernement des provinces du nord-ouest, » avec un lieutenant-gouverneur. Lahore acquiert en effet une importance immédiate depuis que le Păndjâb et le Moultân, ainsi que la province de Peshavăr, sont passés sous la domination directe de la compagnie. Là encore il y aurait, au point de vue politique, une analogie frappante entre les mesures adoptées par les Anglais et celles dont l’application exigea de si longs et de si persévérans efforts de la part d’Akbăr.

À l’autre extrémité de cette immense diagonale que les conquêtes anglaises ont tracée du 70e au 96e degré de longitude est, — entre les 15e et 35e degrés de latitude nord, — l’annexion du Pegu, également prévue comme conséquence inévitable des provocations insensées des Birmans, rend, depuis un an, l’Angleterre maîtresse du cours de l’Irrawady, ce fleuve rival, par son importance, du Barrhampoutter, du Gange et de l’Indus. Il faudra donc nécessairement que l’Hindo-Chine tout entière subisse, dans un avenir prochain, la domination plus ou moins directe que subit l’Hindoustan depuis le siècle dernier. Cela rappelle et semble justifier, dans une certaine mesure, ces paroles de Jacquemont : « La domination anglaise dans l’Inde est un état de choses forcé, critique, qui ne peut rester longtemps stationnaire. Il faut qu’il avance, ou qu’il recule jusqu’à ce qu’il tombe[1].» La question toutefois ne nous paraît pas devoir être posée dans des termes aussi absolus à beaucoup près, quand on considère qu’il s’agit ici d’une domination chrétienne » dans l’acception la plus libérale de ce mot.

  1. Voyage de Jacquemont, sixième partie, p. 363.