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soixante-six élèves. Les résultats déjà obtenus par cet établissement, dont la fondation est due (ainsi que son nom l’indique) à l’illustre orientaliste, voyageur, historien et homme d’état Elphinstone, nous ont paru des plus dignes d’attention. Nous ne croyons pas pouvoir en donner des preuves plus convaincantes que les divers essais publiés dans les rapports officiels et rédigés en anglais par des élèves hindous ou parsis. Deux de ces essais, qui ont obtenu chacun une médaille d’or décernée par le conseil à la séance publique annuelle de l’institution Elphinstone, ont été publiés à part, en 1852, par les soins de sir Erskine Perry, président du conseil d’éducation, sous ce titre : Two Hiindus on English education, etc.[1] (Deux Hindous sur l’éducation anglaise, etc.). — Narayan-Bhaï, de la caste des Kasars, est l’auteur du premier essai sur l’éducation des indigènes et sur les avantages comparés du système d’éducation à l’aide de la langue du pays ou à l’aide de la langue anglaise et de la langue maternelle combinées dans le même enseignement. L’auteur conclut à l’emploi simultané et à l’étude combinée des deux langues.

Dans ce premier essai, nous avons remarqué le passage suivant, qui montre de la manière la plus frappante ce qu’on doit attendre des tentatives obstinées du prosélytisme chrétien dans l’Hindoustan :


« L’esprit des indigènes est encore fortement prévenu contre tout ce qui contrarie leurs propres idées, particulièrement en matière de religion. Ils ont horreur de toute innovation dans leurs doctrines religieuses. Comment admettraient-ils une altération des textes sacrés que leurs ancêtres ont reçus de Dieu même ? Ils ont cruellement souffert de l’intolérance de leurs derniers maîtres, les souverains musulmans, et bien que le gouvernement actuel évite autant que possible d’éveiller le moindre soupçon d’un esprit de prosélytisme, les missionnaires font tout ce qu’ils peuvent par leurs machinations pour tromper les jeunes Hindous et les persuader qu’ils n’ont de salut à espérer que dans la Bible. Le but des missionnaires n’est pas d’éclairer le monde, mais de le christianiser ; ils considèrent comme le premier pas à faire dans l’œuvre de la civilisation des Indiens leur conversion au christianisme, et ne s’aperçoivent pas qu’en agissant surtout d’après ce principe, ils retardent, au lieu d’avancer, la cause de la civilisation. Le peuple en effet regarde toute éducation anglaise comme tendant à corrompre l’esprit de la jeunesse, et il ne faut pas s’étonner s’il hésite à envoyer ses enfans aux écoles. Les Hindous aiment mieux, pour la plupart, que leurs fils restent ignorans que de les exposer à devenir chrétiens, et pour eux tout instituteur anglais est un padri qui désire convertir leurs enfans. Dans les villes ou les stations, les rapports constans avec les Anglais et la tentation d’apprendre l’anglais, comme moyen de se créer un état, ont adouci les préjugés nationaux, mais au fond des cœurs ces préjugés existent tout entiers. M. Fhink, surintendant des écoles indigènes (où les leçons se donnent dans la langue du pays, sous

  1. Bombay, 1852, {{{{in-8°}}}}.