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harmonie avec les croyances fondamentales qui gouvernent les grandes nations de l’Occident. Au lieu de les engager à renoncer à la pratique de leur religion, on s’attachera à les convaincre qu’il est en leur pouvoir de participer, sans compromettre leur salut, aux avantages que les progrès de la civilisation ont créés parmi nous. On fera germer dans leurs cœurs les notions de la fraternité humaine et de l’égalité devant Dieu et devant la loi, en pratiquant à leur égard les devoirs que ces saintes formules prescrivent aux gouvernemens issus du XIXe siècle. On n’en fera probablement pas des chrétiens, mais on en fera des amis des chrétiens, et des amis dévoués.

Ces espérances se réaliseront par degrés, nous en avons la conviction, maintenant que le parlement a commencé à prendre au sérieux l’administration des Indes anglaises. Un jour viendra où l’Inde émancipée verra surgir de son sein des intelligences capables de comparer sans préjugés le présent au passé, d’apprécier les bienfaits relatifs de la civilisation occidentale et la grandeur, si longtemps méconnue (par les Hindous eux-mêmes), du système social fondé par le brahmanisme. On comprendra comment ce système a suffi pour maintenir pendant plus de trente siècles l’unité morale et religieuse d’une race qui a seule survécu à toutes les races antiques. La civilisation soumettra à son niveau magique des populations innombrables qui se tendront la main des rives de l’Indus et du Gange à celles de la Tamise. Les préjugés de couleur et de caste iront s’affaiblissant chaque jour. Issus de la même souche aux premiers âges du monde, les peuples qui ont accompli leur mission dans l’extrême Orient et dans l’Occident européen se retrouveront, se mêleront de plus en plus à leur berceau commun, et l’Angleterre verra des millions de frères là où elle ne compte aujourd’hui que des millions de sujets.


A. D.-B. DE JANCIGNY.