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Les feuillages légers, les plus riantes fleurs,
Dans les vases dorés unirent leurs couleurs.
Vêtu d’un ornement aussi blanc que la neige.
Le prêtre et son ami qui lui faisait cortège
Rentrèrent dans le chœur  : un joyeux Gloria,
Sur lequel le pasteur avec force appuya,
Témoignait que la paix si longtemps attendue,
La paix à son esprit était enfin rendue,
Que de sombres pensers ne troublaient plus ses sens,
Et que son cœur brûlait comme un vase d’encens ;
Même des assistans, à voir ces airs de fêtes.
Souriaient, et la joie illuminait leurs têtes.

La messe terminée, entre les deux amis
Les longs épanchemens enfin furent permis  :
Une table dressée à l’ombre de la treille.
Où la fraise embaumait, où brillait la groseille,
Où le fait écumant étalait sa blancheur.
Les reçut ; tout était joie et calme et fraîcheur ;
Les prières aussi revinrent, les prières
Sont filles du bonheur autant que des misères ;
Heureux ou malheureux, l’homme s’adresse au ciel
Pour bénir le miel pur, pour écarter le fiel.

V.

Toi que ces vétérans de nos guerres civiles
Invoquaient, pour jamais habites-tu nos villes.
Belle vierge au front d’or paré de blonds épis ?
Les vents qui t’éloignaient se sont-ils assoupis ?
À peine tu parais, ô divine Concorde,
Le rival, pardonnant à son rival, l’aborde ;
La main serre la main, le rire est dans les yeux ;
Viennent les amitiés et les amours joyeux ;
Le féroce armurier ne frappe plus l’enclume,
Pour le soc bienfaisant la forge se rallume ;
Au lieu des cris d’alarme et des tambours guerriers,
La place retentit du chant des ouvriers ;
La plus humble maison d’aisance s’environne,
Et l’Art tresse au pays une noble couronne.

A. BRIZEUX.