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pour le doctorat ès-lettres. Le chef du bureau des facultés au ministère de l’instruction publique, M. Mourier, a recueilli, sur cette importante épreuve, d’intéressans détails, et il a donné en même temps la bibliographie des thèses, dont quelques-unes sont introuvables aujourd’hui. Avant 1789, le grade de docteur n’existait que dans les facultés de droit, de théologie et de médecine, et il fut institué pour les lettres par décret du 17 mars 1808. Suivant ce décret, la thèse latine devait être soutenue en latin, mais les candidats aussi bien que les examinateurs se dispensèrent de cette obligation, qu’on laissa tomber en désuétude jusqu’au moment où le règlement du 17 juillet 1840 décida que l’argumentation aurait lieu en français pour toutes les thèses indistinctement. C’est déjà beaucoup, c’est même trop peut-être pour bien des érudits, que d’arrondir la période cicéronienne quinze ou vingt ans après la sortie du collège, et si la rédaction de la thèse latine a pour but de prouver que l’aspirant au doctorat ès-lettres est familier avec la langue de Tacite et de Virgile, il faut convenir que plus d’un candidat a parfaitement réussi à prouver le contraire de ce qu’on lui demandait.

De 1810 à 1851, deux cent soixante-dix-huit thèses latines ont été soutenues devant les facultés de Paris, d’Aix, de Besançon, de Bordeaux, de Caen, de Dijon, de Grenoble, de Lyon, de Montpellier, de Poitiers, de Rennes, de Strasbourg et de Toulouse. Resserrées d’abord dans le cercle de la logique et de la rhétorique, ces thèses ont abordé peu à peu des sujets plus variés ; on peut même dire qu’un grand nombre d’entre elles sont de très savantes dissertations, et qu’elles ont été pour les aspirans au doctorat comme le point de départ officiel des hautes positions auxquelles quelques-uns d’entre eux sont arrivés. De 1813 à 1830, nous trouvons parmi les latinistes du doctorat MM. Cousin, Patin, Jouffroy, Damiron, Amédée Thierry, Michelet, et à côté de M. Bautain, qui traite de l’idéalisme, de idealismo, Armand Marrast, qui traite de la vérité, de veritate. Durant cette période, la thèse n’est encore qu’une mince brochure in-4o, le plus souvent mal imprimée, et qui dans ces proportions modestes n’a ni les allures ni les prétentions du livre. À partir de 1830, le format change ; l’in-8o domine, l’exécution typographique s’améliore, le fonds se fortifie d’une manière sensible, et l’ensemble des travaux embrasse à la fois l’antiquité et le moyen âge, la philosophie, la critique et l’histoire. Nous citerons au premier rang, comme des morceaux d’excellente littérature, les thèses de MM. Ravaisson, Gérusez, Jourdain, Ferrari, Guigniaut. Rossignol, Fortoul, de La Prade, Edgar Quinet. Des morts regrettés de tous ont aussi leur part dans cette bibliothèque des études universitaires, et nous y avons remarqué les opuscules de deux professeurs enlevés à la fleur de l’âge, et qui tous deux ont porté dans leur enseignement l’éloquence de la parole et l’éloquence du cœur, Ozanam et Varin, à côté du précieux travail d’un écrivain dont les lecteurs de la Revue ont eu souvent l’occasion d’apprécier l’érudition et la finesse, Ch. Labitte, enlevé aussi dans l’âge des belles espérances. Les membres du clergé, qui après avoir rendu de si grands services aux études classiques, les avaient délaissées longtemps, sont enfin rentrés dans la lice. Depuis trois ans la Sorbonne a vu MM. les abbés Leblanc, Lalanne et Vaillant, soutenir avec distinction les épreuves du doctorat et prouver à ceux qui voudraient proscrire l’étude de l’antiquité gréco-romaine