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ces derniers temps, — qui ne craignent nullement de poser ces questions de souveraineté et de dynastie. En s’aventurant dans cette voie, où pourrait donc aller l’Espagne ? Irait-elle à la république par hasard ? La république est quelque chose de plus qu’une folie en Espagne, elle est un ridicule ; elle est la fantaisie de quelques cerveaux creux qui en ont lu le symbole tout rédigé dans nos livres. Outre qu’elle répugne profondément au caractère national, en fomentant l’anarchie provinciale, elle ne ferait que précipiter la décomposition totale de la Péninsule. Quelques républicains ont pu se montrer à Madrid : ils ont eu et ils ont peut-être encore leur junte, ils ont ouvert un club, ils ont distribué des écrits révolutionnaires ; mais c’est probablement le plus grand service qu’ils aient pu rendre à la cause monarchique, car la masse de la population, froissée dans ses instincts, s’est groupée et disciplinée aussitôt. Le général San-Miguel lui-même a pris les plus sévères mesures. Faute de la république, reprend ra-t-on ce projet, caressé par quelques Imaginations, de réunir l’Espagne et le Portugal, à l’exclusion de la dynastie espagnole ? Il n’y a qu’un inconvénient dans ce plan merveilleux, c’est son impossibilité. Il suffit de connaître les deux pays pour être pénétré de cette impossibilité. Il faudrait tout au moins un long travail pour préparer cette fusion. En ce moment, ces deux royaumes, qui se touchent, ont à peine quelques rapports entre eux. Il n’y a point d’alliances privées entre les familles des deux pays ; il ne va pas peut-être trois voyageurs espagnols à Lisbonne dans une année ; les Portugais vont partout en Europe excepté à Madrid. Jusqu’à ces derniers temps, il n’y avait pas même de route et de communication régulière entre les deux capitales. Sait-on le seul genre de relations qui existe entre l’Espagne et le Portugal, sauf les relations officielles ? C’est la contrebande qui se fait sur la frontière. Ce n’est pas d’ailleurs la seule difficulté. Il est peut-être permis de croire que le gouvernement portugais s’est nettement prononcé à ce sujet ; il ne veut pas de cette union, et si le gouvernement portugais est par lui-même dans ces dispositions, il y sera certainement confirmé par la France et par l’Angleterre. Le représentant anglais en Espagne, lord Howden, qui vient de se rendre à son poste, ne laissera infailliblement subsister aucun doute sur ce point à Madrid.

Voilà donc ce que deviennent au grand jour toutes ces combinaisons ! Serait-ce enfin une issue sérieuse qu’une abdication forcée de la reine Isabelle, qui amènerait une régence nouvelle ? Il y a dix ans à peine qu’une régence a fini pour l’Espagne, et ce n’est point là sans doute une expérience à recommencer. On ne peut pas supposer qu’une telle pensée ait pu sérieusement exister. Il y a une chose certaine au-delà des Pyrénées, c’est que le moment où une atteinte publique est portée à la majesté royale est le moment où commence la réaction ; on l’a vu par ce qui est arrivé au duc de la Victoire lui-même. On aboutirait donc à une guerre civile probablement immédiate, et ce serait le seul résultat. Si tout cela est également impossible, que reste-t-il donc ? Il reste purement et simplement la royauté d’Isabelle II, non-seulement parce qu’elle repose sur un droit, mais encore parce qu’elle est la seule garantie des intérêts de l’Espagne. Ainsi débarrassée de ses élémens les plus périlleux, la question politique qui s’agite pour l’Espagne n’en est pas moins grave encore ; elle se complique de toutes les luttes de