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Cla-, à la chambre des lords, exprimait le même jour, dans des termes encore plus énergiques, sa confiance dans la coopération active et prochaine de l’Autriche. Nous sommes, quant à nous, persuadés que les prédictions du gouvernement anglais à cet égard seront promptement et heureusement réalisées.

Mais, comme nous le disions, cette allusion de lord John Russell à l’Autriche a introduit dans le débat la question de l’alliance autrichienne. Deux orateurs importans, M. Cobden et M. Layard, se sont emparés de ce thème. Placés à des points de vue diamétralement contraires dans l’appréciation générale de la guerre, l’un, M. Cobden, qui l’a désapprouvée dès l’origine, l’autre, M. Layard, qui a été le membre de la chambre des communes le plus ardent à dénoncer la politique russe et à pousser le gouvernement à la combattre, ils ont pourtant été d’accord à blâmer l’alliance autrichienne. Les argumens de M. Cobden et de M. Layard ne sont pas les mêmes ; ils valent la peine d’être relevés, car, à notre connaissance, l’opinion de ces deux membres du parlement est partagée hors d’Angleterre par quelques esprits distingués.

Les objections de M. Cobden contre l’alliance autrichienne sont les moins sérieuses. M. Cobden s’est toujours montré hostile à cette guerre contre la Russie. Suivant lui, on a exagéré la puissance de la Russie, et la peur que l’on a eue de la voir arriver à Constantinople était chimérique. Du reste il eût très bien pris son parti, il le disait il y a un an, de laisser arriver les Russes à la place des Turcs. Aujourd’hui que la guerre est déclarée, M. Cobden n’affiche plus des opinions aussi excentriques ; mais il harcèle la politique du gouvernement anglais de critiques inconséquentes, qui, si elles étaient écoutées, rendraient la guerre impossible et la conduiraient à un avortement honteux. Par exemple, malgré le déplorable caractère et la triste issue des insurrections grecques, il en est encore à blâmer le gouvernement anglais d’avoir désavoué ces insurrections et d’avoir contribué à les étouffer. Avec de pareils travers d’esprit, la répugnance de M. Cobden pour l’alliance autrichienne est facile à comprendre. Il reproche au gouvernement, en s’alliant à l’Autriche, de faire passer le principe des souverainetés au-dessus du principe des nationalités. M. Kossuth, jaloux du rôle que les événemens actuels réservent à l’Autriche, si elle agit de concert avec l’Occident, a tenté, il y a peu de temps, d’exciter en Angleterre une agitation contre l’alliance autrichienne. Le chef hongrois a essayé de persuader aux populations manufacturières que les alliés dans la guerre actuelle allaient combattre pour l’Autriche contre la Hongrie. Cette préoccupation s’explique jusqu’à un certain point chez M. Kossuth, pour qui la haine de l’Autriche domine tous les intérêts européens ; mais il est étrange de voir un membre du parlement anglais s’emparer du thème de M. Kossuth pour engager son pays à renoncer à une des forces qui doivent contribuer le plus sûrement à une conclusion prompte et décisive de la guerre dans laquelle il est engagé. M. Cobden, qui prétend être un homme pratique et qui a horreur de la guerre, devrait du moins préférer les guerres simples et courtes aux guerres confuses et indéfinies. Or si l’Autriche n’était pas l’alliée de la France et de l’Angleterre, si, comme le souhaite sans doute M. Kossuth, elle avait pris parti pour la Russie, si par