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service, c’est de lui apprendre à reparler français. — Volontiers, mais je ne vous promets point de réussir. — Eh bien ! dit alors la jeune fille, puisque je dois être sa femme, je me chargerai de son instruction ; on apprend à parler aux pinsons et aux geais, je ne vois pas pourquoi on ne l’apprendrait pas aux savans. — La leçon commence ; maistre Mimin fait les progrès les plus rapides ; il sait bientôt assez de français pour dire en fort bons termes à sa fiancée qu’il l’adore ; le mariage se conclut, et l’auteur termine en disant que les docteurs sont souvent les plus sots de la bande, et que les femmes s’en- tendent beaucoup mieux qu’eux à instruire les écoliers.

Dans la farce de Folle bombance et dans celle de Marchandise et Métier, le ton change complètement. Ces deux pièces, bien qu’elles gardent encore leur titre joyeux, nous font passer à un ordre d’idées tout différent. La première est une satire amère et triste du désordre et de l’imprévoyance ; la seconde, un tableau fort mélancolique des misères du pauvre peuple. On voit dans l’une un gentilhomme, un marchand et un laboureur, qui ne veulent faire autre chose que de bien vivre, conduits par Folle bombance dans le château de Pauvreté ; dans l’autre, Marchandise et Métier, — qui se couchent tard, se lèvent matin, travaillent toujours et se privent de tout, — sont réduits à la misère par Peu d’acquest, Temps qui court et Grosse dépense. L’idylle, ou, pour parler comme le XVIe siècle, la bergerie de Mieux que devant se rattache au même sujet que Marchandise et Métier. Seulement il ne s’agit plus des bourgeois ou des marchands, mais des paysans et des bergers, qui, au milieu des ravages incessans des guerres religieuses, étaient, s’il se peut, plus malheureux encore que les habitans des villes. Quatre personnages sont en scène : Mieux que devant, Plat-Pays, Peuple-Pensif, et la Bergère. — Plat-Pays se plaint que les bergers ne chantent plus ; Peuple-Pensif se demande où est Bon-Temps. — Hélas ! il s’est sauvé pour échapper aux gens de guerre. Dans un dialogue à la fois plein de grâce et de simplicité, Plat-Pays et Peuple-Pensif énumèrent les maux sans nombre que leur ont fait souffrir les gendarmes. Dieu, disent-ils, prendra-t-il enfin pitié du pauvre monde. — Rassurez-vous, bonnes gens, dit la bergère, voilà Mieux que devant qui vous apporte d’heureuses nouvelles. Et Mieux que devant, prenant la parole à son tour, leur annonce que les gendarmes vont quitter bientôt le morion et la cuirasse, que leurs chevaux ne mangeront plus les blés en herbe, qu’on pourra sans crainte laisser courir les poules et les veaux, suspendre aux poutres enfumées des cuisines les jambons et les andouilles, et boire le vin qu’on aura récolté. La donnée générale de cette petite pièce est exactement la même que celle de la première églogue de Virgile ; seulement Mélibée s’appelle Plat-Pays ; au lieu de chanter leurs amours et leurs agneaux, les bergers, devenus cultivateurs, parlent de leurs fermes et de leurs récoltes, et, tout en étant moins poétiques, ils n’en sont peut-être que plus vrais.

On le voit, les auteurs des pièces dont nous venons de parler ont touché aux sujets les plus divers ; ils semblent avoir pris pour devise ces mots de Pétrone : mundus universus exercet histrioniam, mots souvent cités, qu’une femme poète du XVIe siècle a traduits par ce vers :


Le monde universel sans fin joue une farce.


C’est en effet le monde avec tous ses personnages, femmes mariées, femmes