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III

C’est en 1600 qu’il alla pour la première fois à la cour. Il vit la reine Elisabeth passer pour se rendre à la chapelle dans le palais de Whitehall, et il se mit à genoux devant elle. Dès qu’elle l’aperçut, elle s’arrêta, et avec un certain jurement qui lui était habituel, elle demanda : « Qui est celui-ci ? » Tout le monde le regarda, mais personne ne le connaissait, hors sir James Croft, qui, voyant la reine arrêtée, était revenu sur ses pas et le nomma. La reine le regarda attentivement, dit en répétant son jurement que c’était dommage qu’il se fût marié si jeune, et lui donna sa main à baiser deux fois, en le tapant chaque fois sur la joue. Ce n’est pourtant que deux ans après et sous le roi Jacques qu’il fut nommé chevalier du Bain, au milieu des complimens des lords et des dames qui assistèrent à la cérémonie. L’éperon, selon l’usage, lui fut chaussé par un grand seigneur, son cousin, le comte de Shrewsbury. Une autre règle de la réception des chevaliers, c’était que le premier jour ils portassent la robe d’un ordre religieux à leur choix, et la nuit suivante ils allaient au bain, puis ils prêtaient serment donc jamais séjourner en lieu où se commettrait une injustice, et de tout faire pour la redresser, surtout si de nobles dames imploraient leur assistance, tous engagemens dignes des romans de chevalerie. Le second jour, il dut, selon la règle, porter une robe de taffetas cramoisi, et se rendre à cheval, en cet équipage, de Saint-James à Whitehall, avec ses écuyers devant lui. L’habit du troisième jour était une simarre de satin pourpre, avec de certains cordons à glands de soie blanc et or, attachés en nœud sur la manche gauche, ornement, que les chevaliers devaient porter jusqu’à ce qu’ils eussent accompli quelque beau fait d’armes, ou qu’une noble dame le leur eût pris, en disant : « Je réponds qu’il se montrera bon chevalier. » Il n’avait pas longtemps porté ses nœuds qu’une des premières dames de la cour, et certainement la plus belle au suffrage général, les lui enleva, et lui dit qu’elle engageait son honneur au sien. Cependant il ne l’a pas nommée.

Il ne tarda pas à devenir sheriff de son comté de Montgomery, et il se vante d’avoir donné, sans indemnité, la commission de sous-sheriff et les autres places qui étaient à sa nomination. Il partageait son temps entre l’étude à la campagne, ses devoirs publics, et quelques actes de présence à la cour ; mais il paraît qu’un peu d’ennui s’attachait à cette vie monotone. Marié de trop bonne heure, il n’avait pas connu la liberté de la jeunesse. Un certain jour, il déclara à sa femme qu’il passerait la mer et ferait sur le continent le voyage qu’il