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glissant derrière elle, se mit à jeter doucement des bonbons dans sa coiffure. Anne crut encore à quelque accident. « Et je m’étonne, dit Herbert au duc, qu’un seigneur si renommé pour sa galanterie ne sache occuper les dames qu’en leur faisant peur. » Mais une affaire importante vint troubler la paisible diplomatie du chevaleresque ambassadeur. Il régnait toujours dans certains esprits une arrière-pensée contre la grande œuvre de Henri IV. L’extinction de l’hérésie ou tout au moins l’abaissement des huguenots ne cessait pas d’être un rêve fatal qui hantait par momens L’imagination de Louis XIII, comme il s’empara plus tard de celle de Louis XIV. Herbert, dans ses mémoires, accuse positivement le duc de Luynes d’avoir, pour illustrer sa faveur, excité son maître à une guerre de religion, lui représentant la gloire que les rois d’Espagne s’étaient faite en expulsant les Maures de leurs états ; mais dans une dépêche chiffrée qu’on a publiée (février 1620), sir Édouard, rendant au secrétaire d’état Naunton un compte détaillé d’un conseil où la question du protestantisme fut mise en délibération, paraît attribuer à Louis XIII en personne l’initiative de la pensée de la guerre. Le prince de Condé, sans respect pour les plus grands souvenirs de sa maison, l’aurait appuyée avec violence. D’autres ministres auraient présenté les fortes objections de la bonne politique, et Luynes ayant dit quelques mots dans le sens de la paix : « Vous ne savez ce que vous dites, » se serait écrié le roi en l’interrompant. Il est certain que la guerre fut décidée contre le gré de Sillery et de Jeannin (ils avaient été les ministres de Henri IV), et que le duc de Luynes s’y porta avec ardeur, trouvant là le singulier prétexte de se faire donner le titre de connétable, vacant depuis la mort du vieux Montmorency.

Quand la campagne contre les huguenots fut résolue, le parti jésuite, dit Herbert, et quelques-uns des princes applaudirent. Le duc de Guise était triomphant. « Monsieur, lui dit l’ambassadeur anglais, quand ceux de la religion seront abattus, viendra le tour des grands et des gouverneurs de provinces. » La guerre n’en commença pas moins. C’était une déviation morale des alliances de Henri IV. Herbert fut chargé par son gouvernement de faire des représentations. On lui répondait que si la réformation eût été en France telle qu’en Angleterre, si elle avait maintenu une hiérarchie, des cérémonies convenables, de la musique dans les églises, des jours de fêtes en commémoration des saints, on l’eût beaucoup mieux tolérée. Il répliquait que, bien que les motifs d’une rupture avec Rome eussent été enseignés par des sages, la réformation avait été accomplie par le commun peuple, tandis qu’en Angleterre elle était l’œuvre du chef de l’état ; que d’ailleurs elle admettrait aisément en France une hiérarchie, pourvu qu’on lui donnât les moyens de la