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il n’était pas en sûreté. Il répondit qu’il était en sûreté partout où il avait son épée à son côté. Quand il revint à Paris, les autres ministres et les seigneurs lui firent fête, car tous détestaient le pouvoir et l’insolence du favori ; mais il apprit d’eux que Luynes envoyait son frère en ambassade à Londres, afin de porter plainte contre lui. Il fut en effet rappelé, se justifia en présence du roi et du duc de Buckingham, s’engagea à soutenir son dire en champ-clos, et demanda la permission d’envoyer un trompette à M. de Luynes pour lui offrir le combat. Ce procédé diplomatique ne fut pas agréé, et d’ailleurs le connétable mourut bientôt après (16 décembre 1621). Seulement le comte de Carliste[1], envoyé extraordinairement en France, confirma, sur le témoignage d’Arnauld, qui avait tout entendu, la relation de sir Édouard, qui retourna prendre son poste à Paris. Il y fut bien reçu, n’y trouvant personne qui regrettât le favori. Et comme la reine Anne était en tête de ceux qui ne le pleuraient pas, il lui demanda, un jour d’audience, jusqu’où elle l’aurait soutenu contre le connétable. Elle répondit que, malgré bien des motifs d’aversion contre M. de Luynes, elle eût été, par force ou par raison, obligée de se déclarer pour lui. Il n’y a point de force pour les reines, répondit-il en espagnol. La pauvre Anne d’Autriche sourit, mais, je crois, d’un triste sourire.

La politique de la France au dehors avait faibli. La bataille de Prague avait relevé la ligue catholique allemande. Jacques Ier, mécontent de la France, songeait à marier son fils avec l’infante d’Espagne. En 1623, le prince de Galles, accompagné de Buckingham et de quelques gentilshommes, débarqua en France, s’arrêta deux jours à Paris, où il se cacha rue Saint-Jacques, et repartit en poste incognito pour Bayonne, sans que l’ambassadeur eût été prévenu. Seulement, la veille de son départ, un Écossais vint le soir trouver Herbert, et lui demanda s’il avait vu le prince. « Quel prince donc ? Le prince de Condé est encore en Italie. » Cet Écossais lui nomma le prince de Galles, et requit assistance pour lui de la part du roi. Herbert se hâta d’aller de grand matin réveiller le secrétaire d’état Puisieux, qui, du plus loin qu’il le vit, lui cria : « Je connais votre affaire aussi bien que vous ; votre prince est parti ce matin en poste pour l’Espagne. » Herbert se borna à demander qu’on ne l’inquiétât pas dans son voyage, et à écrire au prince de presser sa marche et de n’avoir sur son chemin nul rapport avec ceux de la religion. On sait que la négociation du mariage espagnol échoua, et Charles Smart revint par mer en Angleterre.

Le père Suffren, confesseur du roi, avait prêché devant sa majesté

  1. James Hay, comte de Carliste, grand-maître de la garderobe.