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LE
CHEVALIER SARTI
HISTOIRE MUSICALE


DEUXIÈME PARTIE.

VENISE.



I.

Lorenzo Sarti avait quinze ans lorsqu’il se rendit à Venise avec la famille Zeno, dans le mois de novembre 1790[1]. Le moment était favorable pour visiter cette ville célèbre. Un nombre considérable d’étrangers, surtout d’émigrés français, étaient accourus dans cette métropole du plaisir pour y attendre la solution prochaine, croyaient-ils, de ce grand drame qui devait durer cinquante ans. La présence de ces étrangers, appartenant presque tous à la classe élevée de la société européenne, faisait alors de Venise un foyer d’intrigues politiques et galantes où les projets de contre-révolution se discutaient au milieu de folles mascarades et de joyeux festins.

La révolution française de 1789 venait d’éclater au milieu de la paix générale et de l’heureuse concorde qui commençait à s’établir entre les peuples et les gouvernemens ; elle avait tout à coup divisé l’Europe en deux camps ennemis. Généreuse à son début comme une inspiration de sentiment depuis longtemps préparée par les études des esprits éclairés, elle ne tarda point à s’altérer dans son principe et à dépasser le but que lui avaient assigné les vrais besoins

  1. Voyez la livraison du 1er janvier.