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sans effort, malgré la fumée du canon : les bataillons culbutés par la cavalerie, les escadrons décimés par l’infanterie, ne se présentent pas à nous comme des énigmes impénétrables. Tous les épisodes de la lutte et de la défaite se groupent dans notre mémoire. M. de Lamartine, en prodiguant les détails, n’a pas su les ordonner : il compte les triangles formés par l’armée française au moment où l’action commence, et paraît croire que cette indication suffit à l’intelligence de la bataille tout entière ; mais comme il a négligé la topographie, malgré ces triangles si bien comptés, nous ne comprenons pas grand’chose aux masses qui vont engager l’action. Il avait sous la main tous les élémens du récit, il n’a pas su les rassembler et les mettre en œuvre. Il parle du rôle assigné aux différentes armes, comme s’il voulait contenter la curiosité des hommes du métier, et ne laisse dans tous les esprits qu’un souvenir confus. Le lecteur a le droit de se montrer d’autant plus sévère, que l’auteur veut paraître ne rien ignorer. Je suis loin d’approuver sans réserve la prédilection des historiens de notre temps pour les détails stratégiques, car un écrivain qui n’a jamais étudié par lui-même les champs de bataille et l’emploi des différentes armes, qui ne sait pas même dans quelles proportions doivent se trouver l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie pour composer une armée bien ordonnée, risque fort de commettre plus d’une bévue. S’il parle d’après les renseignemens recueillis la veille dans la conversation des hommes du métier, il n’est pas toujours sûr d’interpréter fidèlement ce qu’il a entendu. Un peu plus de modestie serait de bon goût chez ceux qui n’ont pas fait la guerre, et qui pourtant veulent raconter les batailles. Mais enfin la prétention militaire une fois acceptée, le lecteur veut qu’on la justifie ; il veut comprendre ce qu’on lui raconte ; or la bataille de Waterloo ne se comprend guère dans le récit de M. de Lamartine. Pour les bourgeois aussi bien que pour les hommes de guerre, c’est un défaut que rien ne saurait excuser.

M. de Lamartine a bien compris le caractère de Louis XVIII ; malheureusement, après avoir esquissé le portrait du monarque, il a reculé devant la tâche qu’il s’était imposée. Quel intérêt présente le règne de Louis XVIII, si ce n’est celui des débats parlementaires ? Il n’y a pas deux avis sur ce point ; or, pour que les débats parlementaires laissent dans la mémoire du lecteur une trace durable, il faut que l’historien les analyse, les condense, les résume. Ce travail, j’en conviens, n’est pas toujours facile ; mais si l’historien croit pouvoir s’en dispenser, si, au lieu d’analyser et de juger les débats, il les cite par extraits, il manque à son devoir, et rencontre l’indifférence au lieu de l’attention. M. de Lamartine a choisi le second parti, et il prodigue