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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 août 1854.

Le mot de cette longue énigme qui se composait de marches et de contremarches, de tant d’opérations contradictoires et de mouvemens confus exécutés par l’armée russe sur le Danube, le mot de cette énigme, disons-nous, vient d’être en partie révélé. Les soldars du tsar ont reçu l’ordre d’évacuer les principautés pour se retirer derrière le Pruth, et communication de cet ordre a été donnée aussitôt au cabinet de Vienne. La Russie, après avoir épuisé tous les moyens de se soustraire à cette nécessité suprême de sa position, a fini par se rendre à la force des choses. Au premier abord, ce mouvement de retraite semblerait devoir être d’un grand poids dans les circonstances présentes ; en réfléchissant peu, on pourrait y voir une sorte de satisfaction donnée aux manifestations pressantes et réitérées de l’Autriche dans ces derniers temps. Par le fait, malgré l’empressement apparent du cabinet de Saint-Pétersbourg à notifier cette résolution à Vienne, rien n’est changé ni pour la France et l’Angleterre, ni même pour l’Autriche. On ne peut seulement se défendre d’un retour pénible sur un passé si récent en voyant la Russie faire tardivement aujourd’hui ce qui aurait pu, il y a un an, empêcher la guerre sans détourner l’Europe de ses travaux et de ses intérêts, et en la laissant elle-même dans sa grande, et menaçante situation.

Que demandait-on en effet au tsar, si ce n’est d’arrêter son armée sur le Pruth ? et quand celle-ci a eu franchi le fleuve, de la faire revenir sur ses pas ? De quelque obscurité que le cabinet de Saint-Pétersbourg s’obstine encore, dans ses dernières dépêches, à envelopper les causes de la crise actuelle, il n’en reste pas moins clair comme le jour que la guerre, dérive, dans son principe, d’un fait unique. — le passage du Pruth. Si le Pruth n’eût point été franchi, il est parfaitement évident que les questions soulevées par le prince Menchikof ne seraient pas sorties du domaine diplomatique. Si même après la première apparition de son armée dans les principautés le tsar eût cédé aux avis, aux sollicitations qui ne lui ont pas manqué, la paix n’était