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de l’école de Parini. Son chef était un enfant du peuple né sur les bords du lac de Pusiano, devenu prêtre un peu par besoin, un peu par goût pour les lettres, un peu aussi malgré lui. Employé comme précepteur dans des maisons patriciennes, il observa les mœurs de l’aristocratie milanaise, et fit des peintures admirables de cette noblesse condamnée aux vices par le désœuvrement. C’était là une veine puissante découverte au sein d’une littérature énervée.

Les Italiens, stimulés d’abord par l’aiguillon de la satire, s’éprirent d’un goût fort vif pour ce fruit nouveau, qui avait comme la saveur d’un fruit défendu ; ils donnèrent aux vers de Parini le nom de poesia civile, — poésie du citoyen, — nom expressif. Les choses se passaient alors en Lombardie à peu près comme en France ; la littérature mêlée aux questions sociales, s’emparant d’une action directe sur les esprits, était tolérée, patronée même par les puissances du jour. Cette poésie civique était fort approuvée par le comte de Firmian, ministre autrichien dans le Milanais. Lorsque Parini gourmandait la fainéantise des grands, « très bien, disait le ministre, ils en ont grand besoin. » Malheureusement la révolution arriva pour la Lombardie comme pour la France. On a prétendu souvent que les grandes époques littéraires succédaient à des révolutions : cela peut être vrai des littératures calmes, désintéressées, détachées de toute préoccupation politique, de la littérature de Louis XIV par exemple ; mais lorsqu’une littérature vit sur les questions qui intéressent directement l’état de la société, elle a tout à perdre aux révolutions. Pour ne pas sortir du domaine de l’histoire, le succès de l’école nouvelle en Italie ne s’expliquait pas seulement par le talent d’un poète. N’était-ce rien que cet intérêt politique ajouté à l’intérêt littéraire ? Pour combien fallait-il compter l’agrément de la satire contre l’état présent de la société, et le charme des promesses implicites d’un avenir qu’on osait souhaiter, sans l’espérer peut-être ? C’était le bon temps, on vivait dans les douces illusions du roman ; la révolution vint clore le roman comme le plus brutal des derniers chapitres.

La poésie civique dut quitter les régions sereines de la philosophie et de la morale ; elle se jeta dans le torrent de la politique active. Les disciples de Parini sont républicains : ils firent des odes pindariques pour rallier les peuples sous le drapeau de l’indépendance ; ils écrivirent des tragédies, comme on fait des harangues à la tribune, et changèrent le théâtre en club ; ils payèrent de leur personne, chose nouvelle en Italie, nouvelle à force d’être oubliée, car Dante, leur aïeul, il gran padre Dante, avait combattu et versé son sang avant d’écrire son poème. Comme l’illustre gibelin, ils moururent dans l’exil. Alfieri, qu’on peut regarder comme un disciple du