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l’on a ouvert l’emprunt, le marché des capitaux avait déjà été comme saigné à blanc par les appels de fonds d’une multitude d’entreprises, notamment des chemins de fer que l’on avait concédés, je ne dis pas sans choix, mais assurément sans mesure. Ajoutons encore la crise des céréales, qui, en obligeant les consommateurs à dépenser 1 milliard de plus en denrées alimentaires, a retiré nécessairement ce milliard à l’épargne et au travail. La disette devait nous frapper plus rudement que l’Angleterre, car l’Angleterre, habituée à demander à l’étranger une grande quantité des blés qu’elle consomme, n’a eu qu’à augmenter temporairement ces importations pour couvrir un déficit plus considérable, tandis qu’il a fallu, dans un pays exportateur comme le nôtre, improviser un commerce d’importation qui exige des capitaux immédiatement disponibles et d’immenses moyens de transport. Aussi la France a beaucoup souffert, et aura besoin de temps pour se remettre d’une perturbation aussi forte. Le capital de la nation a été entamé ; il faudra combler ce déficit à l’aide des premières épargnes avant que l’accumulation de la richesse reprenne son cours.

Une dernière cause d’infériorité, notre dette flottante, a été portée à un chiffre qui doit, si les circonstances deviennent plus critiques, embarrasser la marche du trésor. Le 1er mars 1851, elle s’élevait à 592 millions ; le 1er avril 1852, M. le ministre des finances évaluait le découvert à 630 millions ; après le règlement de l’exercice 1853, il s’élevait à 760 millions.

Le budget de 1854 a été voté avec un excédant apparent de recette de 4 millions ; mais d’abord, en ce qui touche le revenu, l’on en avait évalué la partie mobile, celle qui suit la fortune publique dans sa progression et dans son mouvement de retraite, le produit des impôts indirects, à 851 millions, chiffre à peine inférieur d’un million et demi aux produits réalisés en 1852. Les résultats du premier semestre de 1854 sont connus. Comme il fallait s’y attendre, ils restent d’environ 7 millions au-dessous de ceux du même semestre pendant l’année qui vient de s’écouler. Les affaires ne reprennent pas encore toute leur activité, et le prix du blé, qui demeure nés élevé malgré l’abondance de la récolte, imposant encore de lourds sacrifices à la consommation, il est raisonnable de prévoir pour le deuxième semestre un nouveau mécompte. Le revenu réel sera probablement de 12 à 15 millions au-dessous des évaluations officielles, et par conséquent le budget de 1854 se soldera, pour ce chapitre seul, par un déficit de 10 à 12 millions. Viendront ensuite les crédits supplémentaires. Pour contribuer aux actes de bienfaisance ou aux travaux que les communes s’imposaient dans l’intérêt des classes nécessiteuses, le gouvernement a déjà surchargé de 10 millions le budget