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indéfinie pas plus du revenu public que de la richesse privée. Le produit des impôts indirects n’augmentera pas tous les ans de 65 millions comme en 1852, ou même de 44 millions comme en 1853. La consommation est une quantité qui a des limites, et des deux élémens qui concourent à l’augmenter, le progrès de la richesse et celui de la population, l’un nous manque d’une manière absolue, car la population, depuis dix ans, est à peu près stationnaire en France. Si l’on ne veut pas ou si l’on ne peut pas réduire, pour l’année 1855, les dépenses ordinaires, il faudra donc ajouter à l’échafaudage de la dette flottante ou se résoudre à une augmentation d’impôts. Mais indépendamment du budget nous aurons à défrayer la guerre : si la guerre doit coûter chaque année 250 à 300 millions, quel homme politique, quel financier conseillerait de demander tous les ans 300 millions au crédit ?

On a dégrevé, en 1853, la contribution foncière de 17 centimes ; c’est une remise de 26 millions qui a très peu profité aux contribuables, et une perte très sensible pour le trésor. Nous proposons de rétablir, à titre permanent, 17 centimes sur la contribution foncière, 30 centimes, ajoutés temporairement aux quatre contributions directes, produiraient de 75 à 80 millions. La taxe du sel, réduite à un décime par kilogramme, rend annuellement 35 millions ; on élèverait le produit au minimum de 25 millions en portant la taxe à 2 décimes, et ce serait encore une réduction d’un décime sur le tarif de 1847. On pourrait aussi augmenter les droits qui frappent les alcools, matière essentiellement imposable. Enfin, en opérant une retenue d’un cinquième sur les traitemens supérieurs à 10,000 fr., et d’un dixième sur les traitemens inférieurs jusqu’au chiffre de 2,000 fr., on obtiendrait une ressource additionnelle de 10 à 12 millions. Au total, on ajouterait ainsi 150 millions, à peine un dixième, aux charges de l’impôt.

Dans un pays industrieux et économe comme la France, à la veille d’un grand péril, ou seulement quand l’honneur national est engagé, il est certainement possible, sans troubler les progrès de l’accumulation et sans porter atteinte à l’assiette des fortunes, de demander annuellement 150 millions de plus à l’impôt et 150 millions à l’emprunt. De ce train-là, au lieu d’accabler nos finances au premier effort, on alimenterait la guerre au besoin pendant dix ans, et l’on rendrait notre action irrésistible.

L’impôt et l’emprunt sont des moyens différens de puiser aux mêmes sources, ce sont deux courans dérivés du même réservoir, qui est le marché des capitaux ; mais ce marché, qui représente les facultés contributives du pays, s’ouvre pour d’autres que pour l’état. C’est le fonds commun dont s’alimentent les entreprises industrielles ou commerciales, et au moyen duquel se développent, avec la puissance