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Euxin au bassin oriental, comme, à l’autre extrémité de la Méditerranée, le courant de Gibraltar porte dans le bassin occidental les eaux de l’Océan. On remarque une grande différence entre le nord et le sud de cette immense nappe d’eau, car, tandis que les côtes méridionales qui bornent l’Afrique au nord sont peu tourmentées et n’ont que très peu d’îles dans leur voisinage, les côtes septentrionales, notamment celles de l’Adriatique et de la Grèce, sont excessivement découpées, sinueuses et peuplées d’une infinité d’îles. Sous ce point de vue, la Mer-Noire est remarquable par l’absence complète d’îles proprement dites, à moins qu’on ne compte le petit rocher qui, à une certaine distance des bouches du Danube, porte le nom d’île des Serpens. Quoique la Méditerranée appartienne par ses côtes aux trois grandes parties du monde ancien, on peut remarquer que l’Afrique, à cause du petit nombre de ses habitans, n’est presque rien parmi les puissances riveraines de la Méditerranée ; dans notre siècle, pour créer de puissantes populations, il faut des lois protectrices du travail et de la propriété. Les mêmes causes ont aussi dévasté l’Asie. Au temps des Romains et des Grecs, les masses d’habitans que nourrissaient la Palestine, la Syrie et l’Asie-Mineure étonnent l’imagination. Aujourd’hui ces contrées, dépeuplées par l’islamisme, l’instabilité du sort des propriétaires du sol et des commerçans, et enfin par l’arbitraire des gouvernans, offrent le spectacle affligeant d’une terre privilégiée d’où l’homme semble ne retirer que le moins d’avantages possible. Au moyen âge, les côtes d’Afrique ont eu des cités florissantes et nombreuses que la guerre et la dévastation des chrétiens, des païens et des musulmans ont successivement détruites. L’occupation française, par les soins éclairés du maréchal Vaillant, fait entrevoir l’époque où les évêchés grecs de l’Afrique, si nombreux du temps de Genseric et de saint Augustin, seront remplacés par autant de diocèses français, avec une population proportionnée, en sorte que la France africaine puisse rivaliser avec la France européenne, comme autrefois l’Afrique grecque et romaine rivalisait pour les arts et la civilisation avec Rome et Athènes. Dans l’économie politique bien entendue, peupler son pays c’est conquérir une nouvelle nation, de même que, dans l’économie agricole, fertiliser son domaine, c’est en acquérir un nouveau.

On a remarqué que la navigation de cette mer, comme celle de toutes les mers intérieures, est en général difficile, peu sûre et sujette à de grands coups de vent arrivant de l’intérieur des terres ; les vents étésiens ou du nord y dominent une grande partie de l’année, aussi bien que le vent d’ouest arrivant de l’Océan ; il n’y a point, comme sur l’Atlantique et le Pacifique, des vents réglés favorables au commerce. Sous ce point de vue, la navigation à vapeur est non-seulement un avantage, mais on peut même dire une nécessité pour