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Nous avons déjà eu l’occasion[1] de mentionner les travaux analogues du savant ingénieur M. Belgrand, chargé de la navigation de la Seine entre Paris et Rouen. Dans la partie inférieure de son cours, à partir de la chute de l’Oise, la Seine reçoit si peu de cours d’eau considérables, que l’évaporation seule de son lit suffirait de reste pour épuiser complétement toute l’eau qui passe sous les ponts de Paris ; de même, si en amont de la capitale, à la hauteur de Charenton, au-dessous de la jonction de la Marne et de la Seine, on construisait une immense digue reliant transversalement les hauteurs de droite et les hauteurs de gauche, bien loin de produire un lac égal à celui de Genève ou de Constance, on n’aurait qu’un petit lac bifurqué, recouvrant seulement les plaines basses d’alluvion des deux rivières arrêtées. Il est honorable pour la puissance de l’industrie moderne que ces suppositions ne soient aucunement des hypothèses impraticables. J’ai déjà dit combien, dans les salons de Paris et dans les conversations de société, on acquiert de science positive, quand on sait écouter, interroger et se souvenir. Un jour qu’il était question des fontaines artificielles et en même temps des admirables travaux du génie civil à Paris pour le canal Saint-Martin (œuvre qui n’est pas assez admirée), pour l’île des Cygnes, pour les îles et les quais de la Cité, quelques personnes élevaient des doutes sur la possibilité de certains travaux hydrauliques qui faisaient le sujet de l’entretien. — Eh ! messieurs, s’écria le modeste M. Séguin, songez donc qu’à Lyon j’ai pu maîtriser le Rhône et lui tracer des quais qu’a respectés cette redoutable rivière. — Avec les progrès de l’industrie mécanique et physique, que ne feront pas nos descendans !

Une question bien posée, avons-nous dit, est plus qu’à moitié résolue ; nous devons donc saisir l’occasion de demander aux hommes de capacité, de loisir et de fortune convenable, comme aussi aux gouvernemens et aux administrations locales, des travaux purement scientifiques. La Tamise a été sondée de Londres à la mer, et la Seine est aussi assez bien connue pour la profondeur de son lit : pourquoi n’avons-nous point la carte détaillée des sondages du lac de Genève et la topographie de son bassin, tel qu’il paraîtrait si toute l’eau en avait été enlevée, et que ce fût une vallée à ciel découvert ? La question, si l’on veut, n’est pas de moi ; mais je saisis l’occasion de la proposer de nouveau, surtout en y joignant la notice des terrains sous-jacens, tant primitifs qu’alluvionnaires ; l’importance de l’étude des eaux à différentes profondeurs s’accroît encore de cette considération nouvellement introduite dans la science, que les plantes, les coquillages, les mollusques, les poissons, et en général tous les êtres vivans varient suivant la profondeur de l’eau

  1. Voyez l’étude sur Quillebœuf, dans la Revue du 1er novembre 1854.