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On doit légitimement ajouter au mérite des découvertes, même incomplètes, une part de la gloire que ces tentatives ont permis de recueillir aux successeurs de ces premiers inventeurs, sans lesquels les découvertes subséquentes n’auraient pas été faites. L’orgueilleux Charles-Quint, qui avait supprimé le non dans la fameuse devise de l’antiquité sur les colonnes d’Hercule, non plus ultra, ne s’est enrichi des dépouilles du Mexique et du Pérou, et n’a possédé la Mer-Pacifique par les Fernand Cortez, les Pizarre et les Balboa qu’après les tristes expéditions de ce Christophe Colomb, qui, suivant son épitaphe, ne reçut qu’une prison en échange d’un monde, et des fers pour une couronne qu’il avait donnée à l’Espagne. À mesure que la civilisation fera des progrès, l’équitable postérité fera une meilleure part aux inventeurs, et les archives du genre humain conserveront avec reconnaissance les noms de ceux qui, par leurs travaux, ont été véritablement les bienfaiteurs de l’humanité, en mettant la force du côté de l’intelligence et réalisant ainsi ce vieil apophthegme : savoir, pouvoir !

Autant les lois de la mécanique se déploient majestueusement et complètement dans les courans qui sillonnent les grands océans, et qui font naître cinq grands circuits d’eaux chaudes et d’eaux froides dans l’Atlantique du nord, dans l’Atlantique du sud, dans l’Océan Pacifique du nord, dans l’Océan Pacifique du sud, et enfin dans la Mer des Indes, autant il est difficile de bien reconnaître les courans de la Méditerranée, resserrés dans deux bassins limités, contrariés par les vents, influencés par les fleuves qui s’y jettent, par les eaux qui arrivent de l’Océan, et enfin par celles qui descendent de la Mer-Noire. La belle carte des courans de M. Duperrey n’indique que le courant du détroit de Gibraltar. L’ouvrage de l’amiral anglais, tout en comprenant l’ensemble des notions que l’on possède en 1854 sur cette question, n’en est pas moins, comme il le remarque lui-même, bien au-dessous des exigences de la science moderne. Essayons de rattacher ces courans à la même théorie qui nous a donné le secret des mouvemens généraux de ces grands océans qui ne laissent aux continens qu’un quart au plus de la surface du globe.

Rappelons d’abord que toute masse fluide d’air ou d’eau, transportée vers le sud, y arrive, à cause de la rotation de la terre, avec une vitesse moindre vers l’est que celle des lieux où elle aborde, et que par suite elle doit se porter vers l’ouest, tandis qu’une masse qui remonte vers le nord y porte un excès de vitesse vers l’est, et par conséquent tend à se diriger vers l’orient. Ainsi les eaux du Rhône et de l’Èbre de l’Espagne, en descendant vers le sud, doivent prendre sensiblement vers l’ouest et raser les côtes d’Espagne ; c’est ce qui explique la moindre salure observée entre les Baléares et la