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aucune acclimatation. Comme le sulfate de quinine est cher et peu abondant, ce ne seront que les travaux hydrauliques exécutés sur une grande échelle qui assainiront les côtes de France et d’Italie. Ainsi que nous l’avons dit plusieurs fois, la France est encore à conquérir pour les Français ; heureusement la science n’a pas dit son dernier mot, et nous avons trente-six millions de Français.

On peut être assuré qu’en ouvrant au hasard le livre de l’amiral Smyth on rencontrera des notions solides et intéressantes. La partie géographique, avec l’histoire de la géographie pratique depuis Hipparque et Ptolémée jusqu’à l’époque de Christophe Colomb, et depuis cette époque jusqu’à nos jours, est un chef-d’œuvre de science positive. L’auteur cite honorablement les somptueuses publications du vicomte de Santarem, qui a recueilli tous les documens manuscrits depuis le Xe siècle, et qui les a publiés en fac-simile au grand profit de la science. Nous avons nous-même examiné cette précieuse publication du compatriote de Vasco de Gama, qui peut servir à fixer bien des points débattus en géographie et en histoire. Dans cette collection comme dans l’ouvrage de l’amiral Smyth, on voit les Juifs, les Égyptiens et les Grecs primitifs bornant l’Océan à l’Archipel et atteignant tout au plus les côtes de Sicile. Plus tard la Méditerranée est explorée jusqu’aux colonnes d’Hercule, et les voiles lançant les vaisseaux en pleine mer, la rame cesse de les guider le long des côtes et d’être, suivant Sophocle, la dominatrice des mers. Puis viennent les expéditions par terre, qui d’une part arrivent à l’Europe occidentale et de l’autre atteignent l’extrémité des Indes. Cependant même dans cette étendue restreinte on se figure à peine jusqu’à quel degré l’ignorance des chartographes était poussée au moyen âge. Ils ne donnaient à l’Europe, l’Asie et l’Afrique aucune forme approchant de la réalité. L’Afrique, coupée en deux par une mer équatoriale hypothétique, laissait supposer un monde inconnu faisant pendant à l’Europe ; quant au reste de la terre, malgré les paroles d’Aristote et de Sénèque, son existence n’était pas même soupçonnée. L’impossibilité où les anciens étaient de déterminer les longitudes et leur négligence à prendre les latitudes produisaient les effets les plus extraordinaires. On ne comprend pas qu’au moins ils n’aient pas donné aux côtes maritimes leurs directions vraies, car rien n’est plus facile que de voir si l’ensemble d’un rivage court au nord, à l’est, à l’ouest ou dans les directions intermédiaires. Les meilleurs portulans du moyen âge sont tous incroyablement défectueux. Au reste ce n’est guère que depuis le commencement de ce siècle ou tout au plus vers la fin du siècle dernier que la connaissance des mouvemens de la lune et le perfectionnement des montres marines ont permis de bonnes déterminations géographiques. Après les calculs