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supposant même qu’on eût pu la lui donner, il y a toujours entre les indications d’un pareil instrument et celles d’organes comme l’œil ou l’oreille une différence caractéristique. Ces organes ne se bornent point à nous révéler l’existence de la lumière ou des sons, ils distinguent entre les impressions qu’ils reçoivent des qualités particulières; l’œil nous avertit que la lumière peut affecter des couleurs très variables, et l’oreille saisit des sons plus graves qu’elle distingue de sons plus aigus. Le thermomètre au contraire, en nous accusant les rayons calorifiques, les confond tous, ne saisit aucune différence entre ceux qui nous arrivent de foyers différens, et nous laisse indécis sur la question de savoir s’il y a plusieurs espèces de chaleur, comme il y a plusieurs espèces de lumières, et si ces chaleurs se distinguent l’une de l’autre par une qualité spéciale rappelant la coloration.

On comprend maintenant quelles difficultés ont rencontrées les physiciens qui ont voulu suivre la chaleur dans le détail de toutes ses modifications. Ces difficultés ont été surmontées cependant, mais par quelle suite d’efforts persévérans et d’expériences ingénieuses, c’est ce qu’il nous reste à dire.

En parcourant les ouvrages des savans qui les premiers ont effleuré cette importante étude, on trouve qu’en 1686 Mariotte avait vu la chaleur du soleil traverser aisément une lame de verre, et la chaleur d’un foyer ordinaire s’y arrêter en presque totalité. L’illustre Scheele, un siècle plus tard, reprit cette même expérience et fit la même remarque. Tous deux convinrent que les chaleurs rayonnantes, pouvant éprouver des actions inégales, devaient n’être pas identiques quand elles venaient d’origines différentes : c’était là le germe de découvertes capitales.

En 1800, la question fit des progrès subits et inattendus par les travaux admirables de W. Herschel. Cet homme, illustre déjà par des découvertes astronomiques, fut conduit aux études que nous allons raconter par une circonstance fortuite. Il voulait observer le soleil avec le grand télescope qu’il avait inventé; mais les rayons de l’astre, concentrés par un immense miroir, venaient se réunir à l’espace étroit où se pose l’œil; ils y apportaient une telle lumière et une telle chaleur, que le papier pouvait s’y enflammer. Il fallait les éteindre dans une grande proportion, en interposant des verres colorés dans leur trajet jusqu’à rendre l’image du soleil inoffensive. « Ce que je reconnus alors, dit Herschel, fut remarquable. Quand j’employais certains verres, j’éprouvais une sensation de chaleur, quoique j’eusse peu de lumière, pendant que d’autres me donnaient beaucoup de lumière et une chaleur à peine sensible, et comme avec ces diverses combinaisons de verres l’image du soleil était différemment colorée, il me vint