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elles sont d’autant plus déviées par le prisme, qu’elles se font plus rapidement.

Cela posé, Ampère remarque que la chaleur rayonnante suit, dans les diverses modifications qu’elle éprouve, des lois identiques à celles de la lumière. Il en conclut que si l’on voulait exprimer la cause de ce fait par une théorie, il faudrait la trouver dans des vibrations de l’éther qui ne pourraient différer des ondulations lumineuses. Il admet dès lors que ces vibrations possèdent à la fois la propriété d’agir sur l’œil pour y développer l’impression lumineuse, et sur un thermomètre pour en élever la température; il conçoit des mouvemens rapides pour la chaleur et la lumière violette, des vibrations lentes produisant la lumière et la chaleur rouge, et des ondulations plus lentes encore et moins réfrangibles occasionnant les rayons obscurs.

Jusqu’ici Ampère et Herschel expriment au fond la même idée, mais ils la vêtissent différemment, avec les mots et les principes des théories qu’ils avaient acceptées. Ampère plaçant des vibrations où Herschel supposait des molécules lumineuses. Tous deux arrivent bientôt à la véritable difficulté, à savoir comment les chaleurs obscures ne sont pas lumineuses, et tous deux pensent qu’elles n’arrivent pas au fond de l’œil; la différence, c’est qu’Herschel supposait et qu’Ampère prouve. L’expérience qu’il décrit est très ingénieusement choisie.

Que l’on suppose un boulet de fer placé dans l’obscurité, s’échauffant peu à peu et d’une manière continue : il est d’abord obscur, quoique chaud, puis il devient rouge sombre, rouge clair, et enfin blanc. Pendant les diverses phases de l’expérience, il émet des chaleurs qui se transforment progressivement, et cela s’accorde avec l’idée d’Ampère, puisqu’il suffit d’admettre que les vibrations envoyées se précipitent peu à peu, et s’accélèrent sans changer de nature. Pendant toute la durée de l’expérience on a fait passer la chaleur émise à travers une couche d’eau, et on a observé l’effet produit sur un thermomètre situé derrière elle. L’action a été nulle tant que le boulet était obscur, elle est devenue sensible aussitôt qu’il est devenu lumineux. La chaleur obscure s’est donc peu à peu transformée en lumière; elle ne traverse l’eau qu’après cette transformation, et comme l’œil est un globe plein d’eau, elle n’arrive à la rétine et ne nous impressionne qu’au moment où elle prend une vitesse d’oscillation suffisante.

Des objections de détail contre cette théorie devaient encore se produire, mais elles ont été facilement réfutées.

Il était utile de passer en revue tous ces travaux et d’exposer toutes ces idées. Dans l’histoire scientifique d’un homme, il faut essentiellement comprendre l’état de la science quand il arrive, et le point où on la retrouve quand il disparaît; c’est seulement par la