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développent. Si vous vous approchez de la pile, le galvanomètre vous accuse; si votre main la touche, il bondit; la lune elle-même, qu’un préjugé généralement adopté considère comme une source de froid, envoie sur l’appareil de Melloni assez de chaleur pour l’affecter.

On comprend aisément quelle révolution fit dans les études sur la chaleur un instrument si impressionnable. Quand Herschel voulait mettre en mouvement de quelques fractions de degré des thermomètres d’une exquise sensibilité, il lui fallait un large poêle, un boulet de fer rougi, un vaste feu de charbon, sources bien incommodes et à peine suffisantes d’une chaleur variable. Melloni les remplace par des foyers simples, portatifs, délicats, fournissant une chaleur égale et de qualité identique. C’est une lampe de petit format, à mèche carrée, dite de Locatelli; c’est une flamme d’alcool, un vase plein d’eau qui bout, ou une lame de cuivre chauffée à l’esprit de vin; on les place ou on les enlève, on les allume ou on les éteint, on les change ou on les remplace, et les expériences se font simplement, rapidement, sans dépenses et sans ce cortège de soins ennuyeux ou de préparations grossières, quelquefois forcées, mais toujours pénibles.

Possédant enfin l’appareil qu’il avait tant rêvé, touchant le but qu’il s’était proposé, le physicien de Parme venait de commencer, avec Nobili, d’importantes recherches, quand des événemens d’un autre ordre apportèrent à ses travaux une funeste interruption. Italien, jeune, aussi inflexible dans ses opinions politiques que dans ses convictions scientifiques, Melloni fut entraîné dans les mouvemens qui suivirent la révolution de 1830. Contraint d’abandonner sa chaire, il se réfugia en France : « J’emportais avec moi, dit-il, mon appareil thermoscopique, dont je prenais autant de soin que le spéculateur du faible capital sur lequel repose l’espoir de sa fortune. »

Alors commença pour lui une vie plus pénible, et qu’il n’avait point encore connue; alors vinrent les privations, les luttes contre les nécessités de l’existence et contre l’inattention des hommes de science dont il dérangeait les vues. Il résista avec un courage qui ne s’est jamais démenti, poursuivant son but avec le zèle de ses premières années, soutenant ses idées avec obstination, s’abandonnant à un esprit de discussion que la nature avait fait ardent, que l’infortune rendit quelquefois injuste. Une certaine communauté d’opinions, jointe à celle des études qu’ils cultivaient tous deux, rapprocha Melloni d’Arago. L’illustre secrétaire de l’Académie des sciences avait l’âme aussi bienveillante qu’il avait l’esprit élevé; il offrait ses services aussi aisément que ses conseils, et prodiguait les bienfaits comme les encouragemens; il comprit ce que valait Melloni, et crut de son devoir de rouvrir au savant exilé sa carrière