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dans les mesures de Melloni quelque imperfection notable, il eût considéré les conséquences qu’on en tirait comme hasardées. Il se condamna dès lors à une revue minutieuse des appareils et des procédés, et, ne se contentant pas d’accepter les assertions de l’auteur, il ajouta des problèmes nouveaux à ceux qu’il avait résolus; il lui demanda des séries entières d’expériences, les soumit au calcul, et ne se déclara satisfait qu’après avoir constaté un accord rigoureux entre les résultats de l’expérience et ceux de la théorie. Une fois convaincu de la précision des moyens d’observation, de l’exactitude des faits annoncés, M. Biot en fit ressortir toute l’importance, et couvrit de son autorité toutes les découvertes qu’il avait vérifiées avec tant de patience et d’abnégation.

S’il est un regret que l’on puisse exprimer après la lecture d’un rapport aussi complètement admirable, c’est que M. Biot, se retranchant dans une modestie dont il avait bien le droit de s’affranchir, ait décliné la tâche d’apprécier les travaux antérieurs comme il avait apprécié ceux de Melloni. « Outre qu’il est toujours assez périlleux, nous dit-il, de fixer la part des inventeurs dans une science qui marche, ce que chacun ne peut jamais faire que dans la limite d’idée personnelle, il serait comme impossible de remplir cette tâche avant d’avoir fait connaître tout ce que les découvertes de M. Melloni apportent d’élémens nouveaux dans cette appréciation, et les physiciens l’achèveront aisément quand nous les aurons fait connaître. » Malheureusement les physiciens ne possèdent pas tous au même degré l’érudition que M. Biot paraît leur accorder; cela est si vrai, que l’opinion générale fait honneur à Melloni de tout ce qu’on sait sur la chaleur rayonnante, et que cette opinion, consacrée par la plupart des traités de physique, constitue pour Herschel en particulier une injustice qu’il n’est pas convenable de laisser subsister.

Il est temps de suivre maintenant Melloni dans le détail des expériences qu’il a faites et dans les conclusions qu’il en a tirées. On pourra remarquer que sa méthode diffère essentiellement de celle qu’avait adoptée Herschel; il commence précisément par où son devancier finissait, nous le verrons finir par où avait commencé Herschel, et l’opposition des deux méthodes sera pour nous le sujet de remarques qui ne manqueront pas d’intérêt.

Melloni présente une des faces de sa pile au rayonnement de la lampe de Locatelli ; il mesure la déviation qu’il communique à l’aiguille aimantée; puis, sans toucher à la pile, sans déranger la lampe, il intercale entre elles une lame mince de verre; elle éteint une portion de la chaleur envoyée, elle laisse passer l’autre, et naturellement l’effet observé sur l’aiguille se montre sensiblement diminué. Si la nouvelle déviation était la moitié de la première, on admettrait