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se rapprochent de la doctrine chrétienne ! Eusèbe raconte en effet que le père d’Origène allait souvent découvrir le sein de son fils lorsqu’il dormait et qu’il était encore enfant, pour le baiser avec beaucoup de respect et de révérence, le regardant comme la demeure et le tabernacle de l’esprit. « Devez-vous avoir moins de respect pour vos enfans, qui ont pareillement été remplis de la grâce de Jésus-Christ et consacrés au culte de Dieu par le baptême ? dit l’auteur d’un Traite de l’Education chrétienne des enfans publié en 1670. Veillez donc soigneusement à leur conservation….. Chérissez-les, nourrissez-les comme les membres de Jésus-Christ, et soyez persuadés que votre maison doit être toute sainte ; puisqu’elle renferme ces enfans qu’il a sanctifiés[1]. » Ainsi donc il y a dans la maison de chacun de nous, que nous soyons païens ou que nous soyons chrétiens, il y a une sorte d’ange gardien qui protège nos foyers domestiques et qui les préserve du mal, un ange devant qui nous devons nous interdire toute parole et toute action déshonnête, de peur de profaner sa pureté, et l’ange est cet enfant qui dort dans son berceau. Prenez garde, dit la mère attentive à protéger son sommeil ; ne faites pas de bruit, l’enfant dort ! Prenez bien plus garde encore, disent Juvénal et les docteurs chrétiens, attentifs à respecter son innocence ; ne faites point, ne dites point de mal : l’enfant veille, l’enfant vous voit et vous entend ! Et qui donc, s’il est père, ne s’arrêterait au moment de faire une méchante action ou de dire une méchante parole, à l’idée que cette jeune âme, qui est jusqu’ici le miroir de l’innocence et de la beauté, va s’empreindre et se souiller du mal qu’elle aura vu ou qu’elle aura entendu ? Qui donc, s’il est père, trouvant le berceau de son enfant entre le mal et lui, ne reculerait pas devant ce faible obstacle comme devant une barrière toute-puissante ? Ah ! oui, il est bon qu’il y ait dans la famille des enfans qui la règlent, qui la sanctifient, qui en resserrent et en épurent les liens ; mais quand les enfans ne font pas dans la maison tout le bien qu’ils doivent y faire, quand l’insouciance morale des parens ne respecte pas ces images du bien que Dieu avait proposées à leurs respects, quand les enfans ne sont plus la grâce de Dieu dans une maison, il faut qu’ils en sortent, car ils en seraient la condamnation vivante, ils en seraient le reproche quotidien.

Sans vouloir aller jusqu’à cette pieuse sévérité de la doctrine chrétienne, on peut croire que lorsque les parens se décident à se séparer de leurs fils, lorsque surtout, comme de nos jours, ils veulent que leurs enfans reçoivent une éducation très religieuse, et ce sont

  1. Traité de l’Éducation chrétienne des enfans selon les maximes de l’Écriture sainte et les instructions des saints Pères de l’Église, 1 vol. ; nouvelle édition, 1678, p. 51.