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talent qu’il a porté plus tard dans les draperies et dans les raccourcis. On a trouvé dans les combles de la cathédrale de Parme quelques maquettes en cire qui avaient été faites par le Corrège pour lui servir de renseignemens pendant l’exécution de ses peintures. Enfin, sans pouvoir le prouver, plusieurs écrivains affirment qu’Antonio a vu ce qu’ils appellent les choses de Léonard. La nature même de cette dénomination démontre qu’ils ne possèdent à cet égard aucun document précis. Sans doute les choses de Léonard ne pouvaient demeurer sans action sur l’intelligence d’Antonio; mais où et quand les aurait-il vues ? C’est une question à laquelle il n’est pas facile de répondre. Antonio n’a jamais visité ni Florence ni Milan; or ces deux villes étaient les seules où il pût rencontrer les œuvres de Léonard, très peu nombreuses, comme chacun le sait. Il n’a renoncé au séjour de Correggio que pour le séjour de Parme. Son voyage à Mantoue est le seul dont on retrouve la trace. Quant au voyage de Rome, c’est une pure invention qui ne soutient pas l’examen. Les écrivains qui ont imaginé ce voyage se fondaient sur des analogies de style entre la coupole de la cathédrale de Parme et le Jugement dernier de la Sixtine; mais à l’époque désignée par eux, le Jugement dernier n’était pas même commencé. Il faut donc renoncer à chercher dans ce voyage le secret du talent d’Antonio.

On a beau fouiller le passé, on ne réussit pas à trouver un maître illustre, et la discussion des témoignages nous amène à penser qu’Allegri doit à lui-même, à ses études solitaires, à ses facultés primitives, le style qui lui assigne un rang si élevé dans l’histoire de son art. Puisqu’il a fait de si grandes choses sans le secours de Rome, que n’eût-il pas fait avec un tel secours! La question du voyage à Rome est maintenant abandonnée en Italie; personne ne croit plus que le Corrège ait vu les œuvres de Michel-Ange et de Raphaël. S’il est entré dans cette glorieuse famille de grands hommes dont l’Italie est si justement fière, c’est à la puissance créatrice de son génie et non aux œuvres de ces maîtres qu’il doit l’honneur de figurer près d’eux. Mais s’il n’a pas vu Rome, s’il n’a pu contempler de ses yeux les marbres et les peintures réunis dans cette ville privilégiée, il a connu, il a étudié les œuvres de l’art antique. Quoique le moulage le plus parfait ne remplace jamais les originaux, le moulage, pour un esprit clairvoyant, est un enseignement fécond. Certes les marbres du Parthénon placés dans le Musée britannique ont un charme que le plâtre le plus fidèle ne possédera jamais; cependant, sans quitter Paris, on peut se faire de Phidias une idée à peu près complète. Antonio trouvait dans l’atelier de Francesco Mantegna ou de Begarelli les leçons que trouvent au Louvre les jeunes peintres qui veulent connaître les Panathénées sans passer la Manche, et pour tout homme qui prend