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du corps, c’est-à-dire qu’elles réalisent la perfection idéale dans cette partie de l’art. Quiconque n’a pas vu, n’a pas contemplé à loisir les évangélistes de San-Giovanni, ne peut se flatter de connaître le génie d’Antonio Allegri. Il y a dans ces figures une énergie, une simplicité qu’on chercherait en vain dans ses autres compositions. S’il fallait trouver dans l’histoire de la peinture un terme de comparaison, nous serions forcé de nommer les prophètes de la Sixtine. Les prophètes en effet sont les seules créations du pinceau moderne qui réunissent au même degré que les évangélistes de San-Giovanni la puissance et la simplicité; c’est d’ailleurs la seule parenté qui les rapproche, car lors même que nous ne saurions pas qu’Antonio n’a jamais vu la Sixtine, nous serions obligé de confesser que le style des évangélistes n’a rien de commun avec le style des prophètes. S’il arrive au Corrège d’éveiller en nous le souvenir de Michel-Ange, il ne lui arrive jamais de se confondre avec lui et de perdre son originalité.

La coupole, les pendentifs et la tribune de San-Giovanni furent peints de 1520 à 1526. Ainsi Antonio avait vingt-six ans lorsqu’il commençait cet immense travail, et il le terminait à l’âge de trente-deux ans. Un fait singulier, qui n’est pas à négliger puisqu’il sert à caractériser l’esprit du temps, c’est qu’Antonio dut au réfectoire de Saint-Paul la protection des moines du Mont-Cassin, et obtint par leur entremise la décoration de San-Giovanni. Le génie de la renaissance avait envahi jusqu’aux moines du Mont-Cassin; la Chasse de Diane flattait leurs goûts érudits, et la coupole d’une église chrétienne récompensait le talent païen d’Antonio.

Quant à l’exécution matérielle des travaux dont je viens de parler, il convient de l’étudier non pas dans la coupole même, à moins qu’on ne prenne la peine de monter dans les combles de l’église, mais dans la bibliothèque de Parme. Le Christ et la Vierge de la tribune de San-Giovanni suffisent amplement pour nous édifier sur les procédés techniques de l’auteur. Il est impossible d’imaginer quelque chose de plus simple et de plus sûr. Il y a dans le maniement du pinceau une régularité que les ignorans pourraient appeler froideur. Pour tous ceux qui ont regardé attentivement le Couronnement de la Vierge détaché de la tribune de San-Giovanni, il demeure évident qu’Antonio transcrivait ses cartons comme un praticien met au point le modèle, et n’avait plus d’autre souci en face de la muraille que le mélange et la fusion des couleurs. Il n’y a pas un coup de pinceau qui révèle la moindre hésitation. On comprend toute la justesse du mot attribué à Michel-Ange : « La fresque est la seule peinture qui offre à l’homme une tâche digne de ses forces. »

La coupole de la cathédrale de Parme, décorée par Antonio Allegri de 1526 à 1530, n’offre pas un intérêt moins puissant que la