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gentil-, assiégé par des rêves impossibles, attaquant des gouvernemens, se heurtant au droit public, et unissant par périr fusillé comme un soldat Qu’était-il aile faire au Mexique ? Il avait été attiré par l’inconnu, par l’éclat des fortunes merveilleuses. Un jour il lui était arrivé, en allant s’établir dans l’état de Sonora, de battre tout simplement avec une poignée d’hommes un corps d’armée mexicain, et cela ne laissait point de lui donner un relief singulier. Le nouveau gouvernement qui surgissait alors au Mexique, celui du général Santa-Anna, cherchait à l’attirer à Mexico, soit pour traiter avec lui, soit pour tromper son énergique activité, et le vainqueur d’Hermosillo devenait l’objet de toutes les curiosités dans la capitale mexicaine, où il passa quelques mois. Il fut question de bien des projets, d’une vaste entreprise de colonisation, de l’organisation d’une légion étrangère dont M. de Raousset-Boulbon aurait été le chef. On finit par lui offrir le grade de colonel dans l’armée mexicaine. Imaginez ce qu’était ce grade de colonel pour lui, qui aspirait à commander, qui rêvait peut-être la conquête du Mexique ! Il partit en faisant le serment d’Annibal, roulant dans sa tête son plan de vengeance, organisant une expédition nouvelle qu’il méditait de lier à un mouvement national. Quand il revint, ce fut pour être fait prisonnier dans le premier combat, à Guaymas, après avoir été abandonné par les siens et avoir refusé de les abandonner par la fuite. Tout cela était étrange à coup sûr. A l’heure de la mort cependant, M. de Raousset-Boulbon retrouvait cette virile simplicité d’un homme fait pour une meilleure lin. Il n’argumentait pas sur sa position, il ne subtilisait pas, on l’a vu récemment dans ses lettres ; il acceptait sa mort comme une expiation de sa vie, il demandait simplement à finir en chrétien et en soldat. Il y a comme un reflet de cette nature dans ce récit d’une Conversion, si singulièrement mêlé à l’un des plus bizarres épisodes de notre temps. C’est l’œuvre d’un homme en qui l’instinct de race lutte sans cesse avec les instincts de notre siècle. Il y a de la politique dans une Conversion juste ce qu’il en faut pour faire ressortir les caractères. Il y a peu de composition, mais ces figures ont on ne sait quoi de vivant et qui parle à l’esprit. Cette.jeune fille, Berthe de Langenais, qui vit avec ses ancêtres, qui se retranche fièrement dans son idéal, n’est-ce pas l’image poétique et forte du passé ? Saint-Lambert, ce type de l’élégance sceptique et dépravée, Louis Monot, ce parvenu avide de jouissances, n’ont pas un caractère moins saisissant. Quant au héros même, Robert de Langenais, l’auteur avait mis peut-être son idéal dans ce jeune homme qui, après une vie livrée à toutes les passions, se reprend au bien et à la règle par une alliance qui l’apaise et qui l’épure, en comblant les vœux de son cœur et en le rendant au respect de son nom. Ainsi éclate le plus dramatique contraste entre ce dénoûment créé par l’imagination et cet autre dénoùment que la réaUté est venue donner à la vie de l’auteur.

Les événemens, les spectacles contemporains ne sont point, à coup sûr, sans une secrète et forte poésie qui s’exhale par instans comme une pénétrante émanation, et qu’il est plus facile de sentir que d’exprimer. La poésie, elle est partout, elle est dans toutes les régions visibles et invisibles ; elle est dans ces luttes engagées par la puissance de l’homme dans le monde, dans les épreuves sociales, dans le travail permanent et mystérieux de la vie, dans les tragédies solennelles de l’histoire comme dans le mouvement