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surtout lorsque la race est très pure. Il est remarquable que, chez les hommes comme chez les animaux, les croisemens seuls peuvent modifier cette tendance. Ainsi la race caucasique, qui sacrifie chaque année à son humeur voyageuse des milliers d’individus, est loin d’être pure, et n’est devenue à peu près cosmopolite que grâce à de nombreux mélanges. Il serait curieux de rechercher ce qui arrivera lorsque ce type aura absorbé tous les autres, et que les races inférieures auront disparu. M. Gliddon se demande si la loi de la nature, qui, sans interdire le mélange des espèces, rend cependant les unions de ce genre peu fécondes, accomplira son œuvre de destruction, et si, dans des temps futurs, des ossemens fossiles de la race caucasique resteront seuls pour témoigner de l’existence passagère des hommes sur notre planète.

La nation américaine est essentiellement pratique. Ses savans sont un peu de l’école de Cuvier, qui se défiait tant de la spéculation; leur science ne consiste guère que dans une nomenclature assez aride des faits. M. Agassiz, qui est d’origine genevoise, n’a pas évité ce défaut de ses nouveaux compatriotes, et c’est à peu près la seule critique que nous puissions faire de ce travail. Il eût été intéressant, par exemple, de généraliser les observations dont nous parlons, de nous montrer quels rapports ont entre eux les hommes et les animaux qui habitent les mêmes provinces. On éclairerait peut-être ainsi d’un nouveau jour les rapports si curieux et si inconnus du physique et du moral. A mesure qu’on s’éloigne des pôles et qu’on se rapproche de l’équateur, la machine animale semble se perfectionner : il en est de même à quelques égards de la nature physique de l’homme; mais tandis que les animaux les plus intelligens, les singes, ne peuplent que les forêts des tropiques, à côté d’eux se trouvent les derniers des hommes, comme si la nature avait voulu nous faire toucher au doigt, pour ainsi dire, la démarcation qui sépare l’homme de l’animal, et nous interdire toute comparaison entre l’instinct le plus développé et l’intelligence la plus obtuse.

Dans un mémoire très érudit, M. Gliddon discute un des principaux argumens des unitaires, le dixième chapitre de la Genèse, avec une grande liberté et une certaine intelligence des antiquités et de la langue hébraïque. Suivant lui, l’auteur inspiré de la Genèse, en parlant de la dispersion des fils de Noé sur la terre, n’a pu s’occuper que de la très petite partie du monde que connaissaient les Hébreux, et des peuples dont lui-même n’ignorait pas l’existence. Une ingénieuse et séduisante comparaison des noms des fils de Noé avec ceux des peuples qu’ils ont engendrés, suivant M. Gliddon, accompagne cette dissertation, dont les idées principales paraissent analogues à celles de l’ancien bibliothécaire du Vatican, M. l’abbé Lanzi.

Y a-t-il des hommes fossiles ? M. Usher répond à cette question par une affirmative un peu hasardée. Il est bien vrai qu’on a trouvé dans le diluvium du Mississipi des ossemens humains que des savans croient appartenir aux périodes passées de notre état géologique; mais ce fait n’a pas encore été assez prouvé pour motiver des conclusions certaines. Il est bien vrai qu’on ne peut plus soutenir, comme autrefois, que l’existence des hommes fossiles soit impossible, mais la question n’est pas encore tranchée. Elle est en effet difficile. Pour démontrer qu’un os d’animal est fossile, il y a deux manières : étudier sa forme d’abord, puis l’âge de la couche de terre où on le trouve. Les hommes ayant toujours eu le même squelette, la première indication ne peut