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présenter devant les autorités locales. Avant son emprisonnement, il avait déjà cinq enfans; Pierre-Paul Rubens fut le sixième, et sa naissance démontra aux plus incrédules que Marie Pipeling n’avait pas gardé rancune à son mari, car elle ne donna jamais prise au moindre soupçon d’infidélité. Après la mort de Jean Rubens, elle revint à Anvers et fît preuve d’une grande habileté pour récupérer la plus grande partie de ses biens, qui avaient été confisqués.

Pierre-Paul Rubens, à qui sa mère avait donné le nom des deux apôtres, parce qu’il était né le jour où l’église fête leur mémoire, fut placé comme page chez la veuve du comte de Lalaing; mais il s’ennuya bien vite de cette oisiveté, et quitta le service de la comtesse pour suivre son penchant et se livrer à l’étude de la peinture. Son premier maître fut Adam van Noort, qui jouissait alors à Anvers d’une grande célébrité, et dont le nom serait aujourd’hui complètement oublié, s’il n’eût été sauvé par le nom de son élève. Ce que Rubens apprit chez son premier maître, il serait difficile de le déterminer, car nous ne possédons aucun tableau qui se rapporte à cette première période de son éducation. Les biographes nous apprennent qu’il demeura chez son premier maître pendant quatre années, et qu’il sentit, malgré son jeune âge, toute l’insuffisance de cet enseignement.

Rubens abandonna les leçons d’Adam van Noort pour entrer dans l’atelier d’Otto Venius ou van Veen. Il demeura chez ce nouveau maître aussi longtemps que chez le premier, c’est-à-dire pendant quatre ans. Quelques écrivains affirment qu’il prit chez lui le goût de l’allégorie et ajoutent naïvement à ce premier grief une accusation qui se recommande au moins par le mérite de la singularité. Otto Venius, non content d’inspirer à son élève le goût de l’allégorie, lui avait encore inoculé une passion excessive pour les lettres. Si cette accusation était prouvée, le second maître de Rubens serait un grand coupable; heureusement pour sa mémoire, le second grief ne peut être établi sur des preuves décisives. Quant au premier grief porté contre lui, il n’est que trop légitime, et nous tenons le corps du délit, un traité complet de l’allégorie, signé Otto Venius, que Reynolds a dénoncé comme un livre bon tout au plus à distraire les enfans. Ce serait dans ce livre maudit que Rubens aurait puisé les premiers germes de son goût pour l’allégorie. Sa passion excessive pour les lettres, maladie non moins dangereuse à coup sûr, devrait être imputée aux jésuites, qui avaient commencé son éducation. La part d’Otto Venius est déjà bien assez lourde sans qu’on charge sa mémoire de ce nouveau reproche. Laissons donc aux jésuites toute la responsabilité de ce dernier délit.

L’allégorie n’est pourtant pas la seule chose qu’Otto Venius ait