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même des sciences mathématiques : d’après l’aveu fait à M. Huc par le vice-roi du Sse-tchouen, les astronomes de Pékin se trouveraient fort en peine de continuer le calendrier rédigé par les missionnaires autrefois admis à la cour de l’empereur Khang-hi. Ce calendrier avait été préparé pour une assez longue série d’années, et il paraît qu’on est arrivé au bout. En un mot, il est certain que l’étude des sciences est très arriérée dans le Céleste-Empire, et que les notions apportées au XVIIe siècle par les jésuites de Pékin sont aujourd’hui entièrement perdues.

Quant à la médecine, c’est un sujet fort délicat qu’il faut laisser aux personnes compétentes. Les médecins chinois tâtent le pouls, pratiquent l’acuponcture, formulent d’interminables ordonnances pour rétablir l’équilibre entre les esprits vitaux et réconcilier le principe aqueux avec le principe igné. M. Huc fut malheureusement condamné à entendre les longues dissertations et à subir les remèdes du docteur de la ville de Kuen-kiang, où il tomba sérieusement malade. On le guérit avec des pilules rouges infusées dans une tasse de thé, ou du moins la guérison succéda à l’absorption de ce remède, qui est considéré en Chine comme souverain, et dont la composition est un secret appartenant à une famille de la capitale. On comprend que M. Huc se montre fort indulgent pour la médecine chinoise. Il ne se borne pas à faire observer, ce qui est vrai, qu’il y a en Chine autant de maladies qu’ailleurs, et que la mortalité n’y est pas proportionnellement plus grande que dans nos pays de l’Occident : il attribue de plus à la médecine du Céleste-Empire la guérison de plusieurs maladies qui en Europe sont réputées incurables. Il cite, par exemple, les traitements employés contre la rage et contre la surdité. Du reste, en Chine est médecin qui veut; la loi ne prescrit point d’examen et n’exige aucun diplôme. La profession est généralement exercée par des bacheliers qui, ne se sentant pas en mesure d’obtenir un grade supérieur et d’aspirer au mandarinat, apprennent les formules et se livrent à l’art de guérir. Beaucoup de médecins sont en même temps pharmaciens, ce qui explique l’immense consommation de remèdes qu’entraîne chaque maladie; mais les produits pharmaceutiques sont en général peu coûteux, et les malades peuvent limiter leurs frais en se faisant traiter à prix fixe. — Les magistrats de Kuen-kiang n’épargnèrent aucun soin et ne reculèrent devant aucune dépense pour hâter la guérison de M. Huc. Si le missionnaire leur avait causé le chagrin de mourir dans leur ville et sous leur juridiction, c’eût été pour eux, vis-à-vis des autorités supérieures, un cas de responsabilité très grave. Ils s’étaient pourtant préparés à cette douloureuse éventualité en commandant le cercueil destiné à contenir la dépouille mortelle de leur hôte. Ce