Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou entre les mains des banquiers. Malheureusement toutes les difficultés n’étaient pas surmontées lorsqu’on avait justifié de sa fortune : il fallait encore pouvoir présenter une foule de certificats dont la plupart étaient ridicules, dont quelques-uns étaient odieux. La liste en est longue, curieuse et bonne à citer. Tout étudiant qui se présentait à l’université devait y déposer les certificats suivans : « — 1° de naissance et de baptême, — 2° de vaccine ; — 3° un certificat constatant que l’étudiant avait suivi pendant deux ans les cours de philosophie, et qu’il avait passé les examens obligés ; — 4° un certificat de bonne conduite signé par le prêtre de sa paroisse ; — 5° un certificat constatant qu’il s’était rendu à l’église tous les jours de fête pendant les derniers six mois ; — 6° un certificat constatant qu’il s’était confessé chaque mois pendant les derniers six mois ; — 7° un autre, constatant qu’il s’était confessé et avait communié à Pâques pendant la dernière année ; — 8° un autre encore, constatant que son père et sa mère possédaient une fortune immobilière, pour donner à chacun de leurs enfans une part égale à la somme déterminée par la loi pour l’admission de l’étudiant à l’université ; — 9° enfin un certificat de police attestant qu’il n’avait pas pris part au mouvement insurrectionnel en 1821. » À propos de ce dernier certificat, Lorenzo ne put s’empêcher de faire en riant l’observation qu’il n’avait que douze ans lorsque le mouvement de 1821 avait éclaté, et qu’il était par conséquent impossible qu’il y eût pris part. Alors le secrétaire chargé de recevoir les inscriptions répondit en prenant un air de dignité que « les règlemens étaient faits pour être observés et non pour être discutés. » Lorsqu’on a pris si bien ses mesures, on n’a point à craindre d’admettre aucun anarchiste ; mais qu’arrivera-t-il cependant, si tous ces jeunes gens si bien triés, n’étant pas anarchistes avant leur admission, le deviennent après, et à quoi serviront alors toutes ces minutieuses précautions ?

Une fois entré à l’université, les tracasseries, les chicanes, les obstacles irritans, ne cessaient pas chaque jour d’inquiéter, de harceler et d’arrêter l’étudiant, et d’abord les cours ne se faisaient pas dans l’enceinte de l’université, mais dans les demeures respectives des professeurs. Il fallait donc courir tout le long du jour d’un bout de la ville à l’autre, heureux lorsqu’on pouvait arriver à temps pour avoir une place dans ces chambres trop petites pour contenir les étudians, et lorsqu’on n’était pas obligé d’entendre la leçon sur l’escalier. Ces obstacles multipliés auraient dû exciter l’indulgence des professeurs, ils ne faisaient au contraire qu’exciter leur sévérité. Au commencement du cours, le professeur faisait l’appel nominal et inscrivait les noms des absens. Après trois absences, le professeur