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donnèrent une sérénade. — La pyrotechnie joue un rôle considérable dans la vie des Chinois; à toute occasion, les paisibles habitans du Céleste-Empire se livrent à une prodigieuse consommation de pétards : naissances, mariages, enterremens, spectacles, réceptions de mandarins, réunions d’amis, tout est célébré par de bruyans feux d’artifice. Les pétards sont suspendus par gros paquets à de longues perches de bambous; on met le feu à l’un des paquets, et tous les autres partent successivement. Lorsqu’une jonque lève l’ancre, les matelots brûlent des pétards, soit en guise de réjouissance, soit pour appeler l’attention des dieux et se les rendre propices; la même cérémonie se répète lorsque la jonque arrive au mouillage. J’ai habité pendant quelques mois, à Macao, une maison dont les fenêtres avaient vue sur la rade, et dans les premiers temps j’étais matin et soir assourdi; on s’accoutume pourtant à ce bruit comme au son des cloches. Quant à la musique chinoise, c’est un bruit tout différent, et j’avoue que je ne suis jamais parvenu à m’y habituer.

Jusqu’alors les missionnaires, suivant le cours du Yang-tse-kiang, avaient presque constamment marché de l’ouest à l’est. Dès leur entrée dans le Kiang-si, ils traversent une dernière fois le fleuve, et ils marchent vers le sud. Une distance de deux cents lieues les sépare encore de Canton ! Ils s’embarquent sur une jonque pour franchir le lac Poyang, qui mesure environ quinze lieues de long sur cinq ou six de large, et, descendus sans encombre sur la rive méridionale de cette charmante nappe d’eau qui a inspiré tant de poètes chinois, ils reprennent leurs palanquins jusqu’à Nan-tchang-fou, capitale du Kiang-si. La route, à travers de vastes prairies calcinées par le soleil, est des plus fatigantes. Heureusement nos voyageurs ont la bonne fortune de trouver, dans un corps de garde où ils s’arrêtent, du vinaigre de polype ! Ce vinaigre est peu connu en Chine, et très certainement on ne le connaissait pas en Europe avant la description de M. Huc. Voici ce dont il s’agit. « On place le polype dans un grand vase rempli d’eau douce à laquelle on ajoute quelques verres d’eau-de-vie. Après vingt ou trente jours, ce liquide se trouve transformé en excellent vinaigre, sans qu’il soit besoin de lui faire subir aucune manipulation ni d’y ajouter le moindre ingrédient. Ce vinaigre est clair comme de l’eau de roche, d’une grande force et d’un goût très agréable. Cette première transformation une fois terminée, la source est intarissable, car à mesure qu’on en tire pour la consommation, on n’a qu’à ajouter une égale quantité d’eau pure, sans addition d’eau-de-vie. » Le livre de M. Huc contient, pour l’usage de la vie commune, plusieurs recettes qui ne manquent pas d’originalité, par exemple le moyen d’empêcher un âne de braire (on lui attache une grosse pierre à la queue), un procédé pour lire dans les yeux d’un