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bande de gamins ! Les Chinois qui en seraient témoins ne vous le pardonneraient pas. Des embarras très sérieux, de véritables émeutes sont survenus, dans les rues de Canton, à la suite de quelque légère correction infligée à un enfant taquin par un Européen impatienté. On calomnie donc le peuple chinois lorsqu’on l’accuse d’infanticide comme d’un crime fréquent et systématique. Loin de moi la pensée de blâmer les pieux appels qui ont été faits à la charité française par l’association de la Sainte-Enfance, ni de contester les services très réels que cette association a rendus : à quelque degré qu’il existe, l’infanticide doit être combattu; mais parce que l’on sauve quelques enfans, on n’acquiert pas le droit de déshonorer tous les pères.

Malgré le dévouement des missionnaires catholiques, le christianisme fait en Chine très peu de progrès. M. Huc n’estime qu’à 800,000 le nombre des chrétiens dans tout l’empire. Sur une population qui dépasse 300 millions d’âmes, ce chiffre est insignifiant. C’est à l’indifférence du peuple en matière religieuse au moins autant qu’aux persécutions qu’il faut attribuer la stérilité des efforts apostoliques. On peut dire en effet que les habitans du Céleste-Empire n’ont point d’autre foi que le culte des ancêtres, dont il a été si souvent parlé. Ils honorent par surcroît, si cela leur plaît, Bouddha, Confucius, Lao-tze ou Mahomet, et ils observent plus ou moins exactement les pratiques superstitieuses que prescrit l’un ou l’autre de ces différens cultes; mais on ne remarque point dans les cérémonies extérieures la présence du sentiment religieux. De son côté, le gouvernement est complètement sceptique, et il laisse chacun libre de croire et de pratiquer à sa guise. Cependant cette tolérance ne s’applique pas à la religion chrétienne, parce que celle-ci n’est point considérée précisément comme une secte religieuse, mais plutôt comme une association secrète, imbue de doctrines étrangères et pouvant ainsi mettre en péril l’indépendance de l’empire. En traitant ce grave sujet, M. Huc rappelle les démarches tentées en 1844 par M. de Lagrené pour obtenir en faveur des chrétiens de la Chine le bienfait de la liberté religieuse; il rend hommage aux excellentes intentions de notre ambassadeur, mais il fait observer que l’édit obtenu par la diplomatie n’a produit aucun résultat sérieux, qu’il n’a pas reçu dans les provinces la publicité nécessaire, que les chrétiens sont persécutés comme par le passé, et que peut-être même leur condition a été moins favorable à la suite de ces négociations, dont le prétendu succès avait rempli d’espérance toutes les âmes pieuses.

Pour apprécier exactement les faits, il convient de se reporter aux principaux incidens des pourparlers engagés dès 1844 entre M. de Lagrené et le commissaire impérial Ky-ing, au sujet du christianisme. L’ambassadeur français était arrivé en Chine pour conclure