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nom de Nabuchodonosor II confirment pleinement d’ailleurs les paroles que le prophète Daniel met dans la bouche de ce prince : « N’est-ce pas là cette grande Babylone dont j’ai fait le siège de mon royaume, que j’ai bâtie dans la grandeur de ma puissance et dans l’éclat de ma gloire[1] ? »

Sur cette restauration de la vieille Babylone, ou plutôt sur la fondation d’une Babylone nouvelle juxtaposée à l’ancienne, l’histoire profane est d’accord avec les livres saints. Diodore et les Grecs, sur la foi de Ctésias, médecin de leur pays, attaché à la cour d’un des monarques achéménides, successeurs des rois chaldéens, attribuaient à Ninus et à Sémiramis, ces personnages mythiques, toutes les merveilleuses constructions de Babylone. Le Chaldéen Bérose s’inscrit en faux contre cette opinion, et accuse de mensonge les historiens grecs. Josèphe[2] nous a conservé le passage suivant de son histoire chaldéenne qui ne paraît laisser aucun doute sur l’origine de ces grandes fondations : « Napobolassar, roi de Babylone, étant mort dans la ville des Babyloniens après vingt-neuf ans de règne, son fils Nabuchodonosor revint en Babylonie et prit les rênes de l’empire… Il restaura la ville antique et en construisit une autre auprès d’elle. Ce prince, pour plaire à sa femme Nitocris, née chez les Mèdes, et qui aimait les paysages montagneux, fit faire des voûtes au-dessus de son palais avec de si grosses pierres, qu’elles paraissaient comme des montagnes ; il fit couvrir ces voûtes de terre et planter dessus une si grande quantité d’arbres de toute sorte, que ce jardin, suspendu en l’air, a passé pour l’une des merveilles du monde. »

M. Fulgence Fresnel fait observer avec beaucoup de justesse que ces jardins suspendus répondaient d’ailleurs à un besoin du pays. L’objet principal de ces édifices élevés était en effet d’obtenir la plus grande ventilation et la plus basse température possibles dans les nuits d’été. Ce besoin devait être plus impérieux encore pour une princesse née à Ecbatane, et qui, du milieu des montagnes de la Médie, se trouvait transportée dans des plaines dont M. Fulgence Fresnel compare la température à celle de la fournaise des trois jeunes hommes de Daniel. « Pendant trois mois consécutifs, de onze heures du matin jusqu’à quatre et demie du soir, dit ce voyageur, nous avons eu une chaleur qui oscillait entre 32 et 36 degrés Réaumur, à l’ombre, au nord, dans un courant d’air. » Ce terme de 36 degrés, point extrême de l’échelle du seul thermomètre que la mission possédât, a été atteint en juillet et en août, et M. Fresnel est certain qu’il eût été dépassé, si l’échelle eût été plus étendue. « pour moi, ajoute-t-il, qui avais déjà passé douze ans de ma vie au-delà du tropique, j’ai été réduit à m’envelopper dans des draps mouillés, au grand effroi et malgré les remontrances de tout notre monde[3]. »

À l’occasion de cette confusion entre les reines Nitocris et Sémiramis, M. Fulgence Fresnel fait fort bien remarquer que, pour les Grecs transportés en Asie, le seul nom de Sémiramis répondait à toutes les questions de l’histoire ancienne[4]. C’est ainsi qu’en Égypte Pharaon et son premier ministre

  1. Daniel, ch. IV, v. 27.
  2. Josèphe, Antiq, liv. X, ch. XI.
  3. M. Fulgence Fresnel, rapport adressé à M. le ministre d’état.
  4. M. Fulgence Fresnel a une prétention plus ambitieuse et plus délicate, c’est celle