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Joseph expliquent tout et répondent à tout. À Bagdad, c’est Nemrod qui a tout fait ; dans l’Yémen, c’est Scheddah, fils d’Aad ; au Hedjaz, ce sont les Beni-Hélât. C’est ainsi que dans nos pays tous les camps retranchés appartiennent à César, toutes les anciennes chaussées à la reine Brunehaut.

Le livre de Daniel renferme l’histoire de Nabuchodonosor depuis le commencement de son règne jusqu’au renversement de l’empire assyrien par les Mèdes et les Perses. Il nous donne les détails les plus précis sur la politique, les mœurs et les superstitions des Babyloniens, et contient sur leurs arts les particularités les plus curieuses. C’est ainsi que dans la fameuse orgie de Balthasar nous voyons le roi, ses femmes et les grands de sa cour boire dans des vases d’or et d’argent qui ont été apportés du temple de Jérusalem, tout en exaltant leurs dieux d’or, d’argent, d’airain, de bois et de pierre, ce qui nous prouve que dans la composition de leurs idoles les Babyloniens faisaient usage de toutes ces matières. La chronique des trois jeunes hommes à la fournaise nous apprend également que les rois de Babylone élevaient des statues colossales composées des plus riches métaux. En effet, la statue que le roi Nabuchodonosor avait fait dresser dans la campagne de Doura[1], — et devant laquelle tous les hommes, de quelque nation, de quelque tribu, de quelque langue qu’ils fussent, devaient se prosterner au moment de la dédicace, sous peine d’être jetés dans une fournaise, — était d’or et avait 60 coudées de haut sur 6 de large, c’est-à-dire 90 pieds de hauteur sur 9 de large à la base. Peut-être y a-t-il là cependant erreur de proportion.

L’histoire de ce dieu Bel, de boue au dedans, d’airain au dehors, auquel les Babyloniens offraient chaque jour douze mesures de farine du plus pur froment, quarante brebis et six grandes cuves de vin pareilles sans doute à celles qui ont été trouvées dans le cellier des rois assyriens à Khorsabad, et la façon dont le prophète Daniel convainquit les prêtres de supercherie nous initient aux mystères du temple babylonien. Ajoutons que dans sa naïveté ce récit et celui de la mort du grand dragon que les Babyloniens adoraient touchent presque au comique et nous prouvent que de tout temps les hommes

    d’avoir retrouvé l’œil bleu de la reine Nitocris sur l’un des fragmens de briques émaillées qu’il a recueillies au Kasr (un des principaux tumulus qui couvrent l’emplacement de Babylone). Cet œil est colossal comme celui de Junon, Βοῶπις. Diodore nous raconte, d’après Ctésias, que cette princesse était représentée sur les mosaïques des murs intérieurs du palais lançant un javelot sur une panthère, et c’est sur les fragmens de ces mosaïques trouvés au Kasr que M. Fresnel a retrouvé cet œil bleu auquel une Mède, une fille du nord de l’Asie, lui parait avoir des droits incontestables. M. Fresnel a bien aussi retrouvé deux yeux noirs qui ne peuvent être que ceux du roi Nabuchodonosor descendant de Nemrod fils de Chus et par conséquent de race noire ou bronzée.

  1. M. Fresnel place la campagne de Doura dont parle Daniel dans l’enceinte même de Babylone, où il a retrouvé un canal qui porte sans la moindre altération le nom de Doura. « N’est-il pas rationnel d’admettre que l’inauguration de la statue de Nabuchodonosor dut avoir lieu dans la capitale de l’empire chaldéen, dit M. Fresnel, ou dans son voisinage immédiat, et non pas, selon les données géographiques de Polybe et d’Isidore Charax, au confluent du Chaboras avec l’Euphrate, à cent lieues de Babylone, bien qu’il y eût à cet endroit un lieu du nom de Doura ? » M. Oppert a signalé un autre Doura, situé dans le voisinage de Babylone, et croit avoir rencontré dans cette localité le piédestal de la fameuse statue d’or.