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barbare. Les recherches de MM.  Fresnel et Oppert tendaient particulièrement à fixer la position des divers édifices de Babylone. Il résulterait de leurs explications que le monticule ruine d’Amran-ibn-Ali appartiendrait à l’époque la plus ancienne et serait formée par les débris des constructions de Sémiramis, que le Kasr, où toutes les briques portent le nom de Nabuchodonosor, remonterait à ce monarque ; enfin Babel, ou le Moudjelibéh (la bouleversée), appartiendrait à différentes époques, mais ce ne serait plus la fameuse tour de Babel ; MM.  Oppert et Fresnel retrouvent cette tour dans le Birs-Nimroud, situé, comme nous l’avons vu, à plusieurs heures des autres ruines. Le colonel Rawlinson partage à cet égard leur opinion, et paraît fixé sur l’identité du Birs-Nimroud avec Borsippa ou Babel, la Tour des Langues.

La grande enceinte, qui, selon MM.  Fresnel et Oppert, ne comprendrait pas moins de vingt-cinq lieues carrées, ne présente, à l’exception du Birs-Nimroud, situé à son extrême limite vers le sud, qu’une vaste plaine coupée de canaux et quelques tumulus d’une faible hauteur, disséminés sur son étendue.

Dans les premières fouilles exécutées sur l’emplacement du Kasr, indépendamment de ces briques portant le nom de Nabuchodonosor, M. Fresnel fit la trouvaille de nombreux morceaux de briques émaillées, couvertes de fragmens ou parties de figures d’hommes et d’animaux et d’inscriptions cunéiformes dont les caractères, en émail blanc, se détachaient sur un fond d’azur. Ces fragmens sont à son avis la preuve la plus irrécusable de l’identité du Kasr et du palais de Nabuchodonosor, décoré, comme nous l’apprennent Ctésias et Diodore, de grandes mosaïques en briques émaillées représentant des sujets de chasse. Cette découverte, concordant d’une manière si exacte avec les descriptions laissées par ces deux auteurs de ces peintures appliquées sur des briques sculptées en relief et soumises ensuite à la cuisson, a certainement une véritable importance historique et archéologique. La rencontre que M. Place faisait vers le même temps, dans un des palais des souverains de Ninive, de plusieurs de ces mosaïques émaillées, encore appliquées au mur, y ajoute un haut intérêt.

L’éminence ou tumulus que forment les débris du Kasr, le palais-citadelle des rois de Babylone, ne présente qu’un amas confus de débris pulvérisés. Il en est de même des tumulus formés par les restes d’autres grands, édifices antiques qui s’élevaient hors de la ville[1]. Il en est un, on l’a vu, que les modernes Babyloniens appellent Moudjelibéh (la bouleversée). M. Fresnel compare ce monticule à une immense carrière de briques en exploitation depuis la mort d’Alexandre, et d’où sont sorties toutes ces bourgades qui occupent différens points de l’emplacement de la ville antique. Cette exploitation, conduite sans méthode, a transformé les débris du vieux palais en un véritable chaos. Il n’est donc permis de hasarder que de très vagues

  1. Par exemple, le tumulus le plus septentrional de Babylone, qui ne porte pas d’autre nom que Babel. C’est ce nom à la fois biblique et moderne qui fit croire à Pietro della Valle, Beauchamp et d’autres, que le tumulus ainsi appelé par les paysans du voisinage était un reste de « la tour de Babel. » Ces voyageurs n’avaient pas vu le Birs-Nimroud, et d’ailleurs le mot Babel ne signifie pas en arabe « la tour de Babel, » mais bien la ville de Babylone. (Rapports inédits de M. Fresnel.)