Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/419

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et une malpropreté hideuse y faisaient leur séjour. Là pullulaient des familles ou des groupes de familles dans une complète promiscuité, vivant nus à l’intérieur des cabanes, et au dehors se couvrant à peine de la dépouille des bêtes ou de lambeaux d’une étoffe noirâtre que les femmes savaient tisser. Quelques tribus se barbouillaient de suie de la tête aux pieds en guise de vêtemens. Le Slave mangeait la chair de toute espèce d’animaux même les plus immondes ; mais le millet et le lait composaient surtout sa nourriture. Naturellement paresseux et ami du plaisir, il avait des vertus hospitalières : il recherchait les étrangers et les traitait bien, on vantait aussi la fidélité de sa parole ; mais ces bonnes qualités avaient de terribles retours. À son état habituel d’apathie succédaient des accès de violence féroce ; alors il devenait sans pitié, et son imagination exaltée par l’enivrement du carnage lui fit inventer des supplices, qu’on n’oublia plus, qui sont demeurés jusqu’à nous comme une triste conquête de la cruauté humaine. Le guerrier slave, marchant tête et poitrine nues, un long coutelas au côté, et dans la main un paquet de javelots dont le fer était empoisonné, ressemblait à un chasseur d’hommes. Pour lui en effet, la guerre n’était qu’une chasse. Se battre en ligne, se former en rangs serrés, coordonner ses mouvemens sur des combinaisons d’ensemble, était un art que son intelligence n’atteignait pas encore : sa tactique à lui, c’était celle des embuscades. Il excellait à se tapir derrière une pierre, à ramper sur le ventre parmi les herbes, à passer des journées entières dans une rivière ou un marais, plongé dans l’eau jusqu’aux yeux, et ne respirant qu’à l’aide d’un roseau ; là il guettait patiemment son ennemi pour s’élancer ensuite sur lui avec la souplesse et la vigueur des animaux qu’il semblait avoir pris pour modèles.

La vie morale était chez lui, comme tout le reste, à ses premiers essais. À peine avait-il l’idée du mariage. Dans la plupart de ses tribus existait la communauté des femmes, et cet état se prolongea bien longtemps après que le christianisme, ce grand réformateur des sociétés sauvages, eut entamé celle-ci. De vagues instincts religieux, obscurcis d’un côté par le fétichisme, de l’autre par les pratiques de la sorcellerie, se faisaient jour çà et là dans ses institutions. Quelques tribus avaient l’idée d’une intelligence suprême, régulatrice des choses et des hommes ; elles ne croyaient pas, nous dit Procope, que le monde fût gouverné par le hasard. Chez d’autres régnait un dualisme qui rappelle l’Orient. Celles-ci reconnaissaient deux divinités, l’une blanche, source de tout bien, l’autre noire, source de tout mal ; mais le dieu noir avait seul des temples. Pourquoi se serait-on occupé du dieu blanc qui ne faisait de mal à personne ?

Tel était le Slave, premier allié convié par les Huns à la curée du